Les légendes Corse
La Corse et ses légendes
Sorcières, diables, chevaliers et princesses sont au rendez-vous de la mémoire. Portés par la voix des Anciens, ces contes et légendes traditionnels ravivent les couleurs du passé et animent l’imaginaire pour le plus vif plaisir des grands et des petits.
Les calanches de Piana.
On raconte que Satan lui-même est tombé follement amoureux d’une bergère.
Lorsqu’il se présenta enfin à elle pour la courtiser, la jeune femme et son mari repoussèrent le Prince des Ténèbres avec violence.
Satan décida alors de frapper, secouer, briser la roche et du même coup de pétrifier les deux amants pour l’éternité.
Les corses disent aujourd’hui qu’on aperçoit, figés dans la roche, le berger, la bergère et leur chien.
Le rocher est surnommé « Le cœur des amants pétrifiés ».
Le Lion de Roccapina
Les corses racontent qu’un seigneur, surnommé « le lion » par les barbares, tomba amoureux d’une jeune fille.
Face à son refus, le seigneur invoqua la mort et fût pétrifié sous la forme d’un lion qui veille sur la baie et la tour Génoise qu’il domine.
L’Ochju et la Signadore.
Voilà une autre croyance fortement répandue en Corse : le mauvais œil (ochju).
Si un corse se sent trop fatigué ou malchanceux pendant un laps de temps jugé trop long, il estime alors qu’il a été frappé par le mauvais œil.
Cette malchance aurait alors été jetée de façon volontaire ou non par un être humain envieux, jaloux ou tout simplement admiratif.
Comment alors se dépêtrer de ce mauvais œil à l’origine de fatigue et autres troubles quotidiens ?
C’est une signadore qu’il faut aller voir.
Cette femme a appris un soir de Noël une ou plusieurs prières visant à enlever le mauvais sort.
Rendez-lui visite ; puis dans le noir, à la lumière d’une lampe à huile, avec une assiette, de l’eau et de l’huile, elle exercera avec empathie et générosité, son don à votre service.
Vous repartirez de chez elle, l’esprit léger.
Simple effet psychologique ou véritable magie ?
La légende de la Calcagnetta
Ayant raconté les faits à ses proches, la nouvelle se propagea dans les hameaux de la vallée montagneuse du Murianincu et, le lendemain à l’aube, les hommes de Reghjetu, Cioti, Serra, Serrale, Tribbiolu, Piazze, Coccula se précipitèrent vers l’endroit indiqué par le berger. Mais les barques avaient disparu. Ces hommes aux cheveux blonds et aux yeux gris étaient des géants. Ils cherchèrent longtemps et trouvèrent enfin, près de l’embouchure du Bucatoghju, éparpillées le long de la rivière, les grosses fourmis. Ils s’aperçurent qu’elles avaient un visage humain et qu’elles étaient gardées par trois hommes noirs armés jusqu’aux dents, à qui les hommes du Murianincu offrirent du fromage et du lait. Un pacte fut conclu entre les deux groupes. Les jeunes pouvaient épouser les naines sauf la plus belle « Bellafiora » qui était leur reine. Et ainsi furent célébrés ces mariages et ce ne furent que chants, bals et musiques jusqu’au jour où un homme de Coccula éperdument amoureux de « Bellafiora », l’enleva en la ligotant sur un cheval. Arrivé en un lieu appelé « Malanotte » (nuit maudite) et avant de franchir la rivière, le cheval trébucha et se noya dans un trou d’eau en même temps que « Bellafiora » qui eut le temps de crier avant de sombrer : « qu’ils soient maudits ! » Aussitôt, un brouillard épais couvrit les pentes de la pieve de Moriani et quand le jour se leva, la malédiction commença. Le jeune homme entreprenant et son père expirèrent, pris d’un mal foudroyant qui les atteignit au talon. Le même mal toucha tous les hommes et les hommes seuls, terrassés par cette maladie qui parce qu’elle naissait dans le talon fut appelée « A Calcagnetta ». On vit alors des maisons vides, des êtres à l’abandon, des cadavres dévorés par les corbeaux. Les malades péniblement se traînèrent jusqu’à la pointe qui domine la vallée où se trouve aujourd’hui la chapelle de San Mamilianu, et sur la place où était creusée une fosse commune « l’arca », ils attendaient la mort. Quand d’autres malades arrivaient, ils poussaient les moribonds et prenaient leur place. Et ainsi de suite… Ainsi disparurent tous les hommes du Murianincu. « Ces hommes géants taillés pour le travail et pour la guerre !… ». D’après Prete Carlotti dettu « Martinu Appinzapalu » Récemment en voulant égaliser la place devant la chapelle, la municipalité de San Ghjuvanni fit creuser une tranchée pour construire un mur. Qu’elle ne fut pas sa surprise de découvrir une succession de fosses bourrées de crânes et de divers ossements humains. Un anthropologue de la région de Bastia, en mesurant les tibias, en conclut que les squelettes appartenaient à des hommes mesurant entre 1.72 et 1.78m, soit des géants pour cette époque.
La Fée d’Ulmetu
« Sur l’île de Corse, durant des millénaires, c’est la tradition orale qui a accompagné chaque être tout au long de sa vie, façonnant la langue, signifiant les origines, irriguant les rêves du présent et de l’avenir.
Au fil des générations, ce mode de transmission unique a concerné autant les grands récits légendaires, connus dans toute l’île, que les anecdotes, la poésie, la musique, les contes ou les micro-traditions propres à chaque région. »
Pour commencer, allons à la rencontre de la fée d’Ulmeto…
« Il était une fois, il y a des siècles de cela, un berger nommé Ghjuvanni qui vivait dans une maisonnette non loin d’Ulmetu, ce beau village qui surplombe la plaine de Bàraci, près de Propriano. Et ce berger était triste à cause de la sécheresse. Il ne pleuvait plus depuis des mois. L’herbe de la plaine semblait brûlée comme de la paille sèche et les animaux s’affaiblissaient.
C’est ainsi que tous les jours, Ghjuvanni, accablé de souci, devait emmener ses brebis de plus en plus loin afin de les faire manger.
Un matin, alors que le soleil illumine de ses premiers rayons les crêtes de Viggianello, Ghjuvanni se trouve près du petit fleuve presque à sec qui donne son nom à la plaine : le Bàraci. Et ce matin, la beauté habituelle des lieux est plutôt étrange…
Bien sûr, il y a toujours le même paysage magnifique : la prairie qui va se fondre dans le sable de la plage et, un peu plus loin, la mer qui ressemble à un lac d’argent en fusion. Mais il y a quelque chose en plus… Et Ghjuvanni n’a jamais rien vu de pareil… L’eau du petit fleuve a disparu sous une boue chaude, épaisse et qui fume… Curieux et pensif, le berger s’avance et voit, au milieu de cette boue, une femme âgée qui paraît embêtée… Lui qui connaît bien sa communauté, il ne l’a jamais vue, ni dans les villages des alentours, ni dans la région… Enlevant ses gros souliers cloutés, Ghjuvanni crie :
« Attendez, je viens vous porter secours… » Et le berger s’élance. Mais sa surprise est immense… L’eau du petit fleuve, normalement fraîche, est devenue chaude tout comme la boue… Quel est ce miracle pense alors Ghjuvanni qui s’approche de la vieille femme restée muette jusque-là…
« Voilà, nous y sommes… Prenez ma main et serrez fort…
– Je me nomme Demoiselle et te remercie de ta bonté, cher Ghjuvanni… »
Le berger, de plus en plus étonné, ne peut alors se retenir…
« Je ne vous connais pas… Comment connaissez-vous mon nom et que faites-vous ici ?
– J’ai fait un long voyage pour te voir… Laisse-moi reprendre mon souffle et je t’expliquerai tout… »
En la tenant par la main pour la dégager de la boue épaisse, Ghjuvanni se pose de nombreuses questions : il y aurait une relation entre cette nouvelle source d’eau chaude et cette vieille dame qui s’appelle – on dirait une plaisanterie – demoiselle ?
Qui est cette femme étrange et que vient-elle faire ici ? Et sa voix ? C’est plutôt celle d’une jeune fille… Sortis de la boue, Ghjuvanni et Demoiselle se lâchent les mains. Au même instant, la vieille dame se transforme brusquement en une superbe jeune fille… Avec ses grands yeux bleus, ses cheveux noirs et son vêtement brodé d’or, Demoiselle porte bien son nom… Ghjuvanni, tout étourdi, se retrouve interloqué, ébahi comme « ni cru, ni cuit ». Il ne sait plus quoi penser et l’angoisse commence à envahir son cœur.
« N’aie pas peur cher Ghjuvanni, dit alors Demoiselle… Je suis une fée et cela fait quelque temps que je te vois soucieux à cause de cette longue sécheresse… Je me suis mise au milieu de la boue pour voir ta réaction… Courageux, tu es venu à mon secours… Voici la preuve de ta compassion… Tu auras donc une belle récompense… »
De son doigt tendu, Demoiselle pointe l’eau et la boue qui tremblotent et fument…
« Je veux t’aider… Tu as été gentil et moi, maintenant, je suis ravie… J’ai appelé, du cœur profond de la terre, une source d’eau chaude qui fera du bien aux animaux comme aux hommes. Aux animaux, la source donnera une herbe savoureuse et riche en fleurs de toutes sortes. Aux hommes, elle off rira la possibilité de soigner diverses affections comme les maladies des poumons ou de la peau.
Cette eau est un grand cadeau pour toi, pour tes enfants et les enfants de tes enfants… Fais attention à bien la conserver, propre et toujours saine… Un jour, elle représentera votre grande richesse… Maintenant, je m’en vais. Garde le secret et ne dis rien à personne. Peut-être nous reverrons-nous… Au revoir Ghjuvanni… »
Juste après avoir parlé ainsi, la fée Demoiselle, avec un beau sourire, s’enveloppe dans son vêtement brodé et disparaît subitement… Au même instant, la source devient plus puissante et la nouvelle eau, chaude et fumante, jaillit de plus en plus.
Le berger, toujours comme étourdi, se remet à penser… J’ai rencontré une fée… Qui m’a fait un beau cadeau… Mais je ne peux rien dire à personne car on me prendrait pour un fou… Je dirai que la source a jailli seule cette nuit et comme cela je serai en paix…
Alors, levant les mains vers le ciel, Ghjuvanni, d’une voix forte, envoie un dernier message : « Je te remercie, ô belle fée… N’aie crainte, je garderai le secret et personne ne saura la vérité. Que cette eau nouvelle soit toujours pour nous le symbole de la puissance de notre mère la Nature et de l’abondance de son amour. Je te remercie, ô bonne fée… »
Après son adieu plein d’émotion, Ghjuvanni retourna vers sa maisonnette avec ses brebis. Le lendemain, l’herbe promise, verte et drue, couvrait les alentours et le berger, content, riait.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, en plus de ses paysages magnifiques, de ses plages et de son huile d’olive renommée, Ulmetu offre à tous, résidents locaux et visiteurs de passage, sa grande richesse naturelle : l’eau thermale de Bàraci, cadeau d’une fée et source de bien-être. Un véritable enchantement pour ceux qui savent en profiter
Le général Montecatini
Le général Montecatini Fort, grand, robuste et beau parleur, Parfait Montecatini, fut très jeune, célèbre non seulement dans son village de Palasca mais aussi dans toute la Balagne, pour ses talents de bon tireur.
Il avait seize ans, ce jour, où il s’exerçait dans la campagne avec un vieux pistolet à coup appelé « catana », il tua accidentellement un paysan. Il s’exila donc pour le Vénézuela.
Au Venezuela Montecatini s’y imposa très vite par sa force et son intelligence.
Il chassa le serpent qui terrorisait le pays et découvrit une mine d’or. Il devint ainsi très riche, et surtout célèbre dans toute l’Amérique du sud.
Un jour, il arriva que le président de la république vénézuélienne soit renversé, Montecatini le remis en place en moins de deux semaines, voilà pourquoi le président le nomma général de l’armée.
Riche et couvert d’honneurs, il quitta Caracas et rentra en Corse.
Une légende se créa autour de sa personne. En Balagne on raconte que c’est par chariots entiers qu’il distribuait du blé aux pauvres. Quand il arrivait dans un village il donnait toujours un louis d’or à l’enfant qui gardait son cheval.
On raconte aussi qu’à Bastia, passant sur le cours Paoli dans une calèche tirée par des chevaux blancs le capitaine de gendarmerie lui cria « Quel magnifique attelage mon général ! » « Il vous plait ? » répondit Montecatini « hè bien je vous en fais cadeau ! »
On raconte encore qu’en période électorale il rencontra un groupe de républicains et leur dit » je brûle la cervelle à celui qui s’amusera à crier vive la république » (il faut préciser que Montecatini était bonapartiste). Un paysan dit-on sortit alors du groupe, regarda montecatini dans les yeux et lui dit « Vive la république ! » En Balagne, les uns disent que le général sortit son revolver et tua le républicain, d’autres racontent qu’avant même que le général eut le temps de sortir son arme, le paysan l’avait assommé d’un grand coup de gourdin.