
Direction le village de Cantavieja
Un village suspendue entre ciel et pierre
Mais avant d’atteindre Cantavieja, nous faisons une halte au Mirador del Embalse de Santolea. Un point de vue spectaculaire sur le lac, lové entre des parois rocheuses aux teintes ocre et grise. L’eau, immobile, capte le ciel et les souvenirs du passé : sous sa surface, dort l’ancien village de Santolea, englouti dans les années 1970. Un silence étrange règne ici, troublé seulement par le vent et le cri lointain d’un rapace.
Puis nous reprenons la route à travers le Maestrazgo, cette région oubliée du temps, âpre et minérale, sculptée par les vents. Sur le trajet, peu de villages, peu de voitures. Une solitude immense, belle dans sa rudesse.
Le premier village traversé est Bordon, minuscule hameau entouré de collines nues, à peine un repli d’humanité dans l’immensité pierreuse. Puis vient Olocau del Rey, situé dans une petite cuvette avec ses ruelles pavées, ses maisons en pierre et cette impression d’être arrivé quelque part, même si l’on ne sait pas très bien où. Enfin, Mirambel, enchâssé dans ses remparts médiévaux, silencieux comme un cloître.

Nous passons la porte sculptée qui donne accès au cœur du village, découvrons des balcons de bois, des venelles pavées, des façades marquées par les siècles. Tout ici respire le retrait, la mémoire, la lenteur. Mirambel ne se visite pas : il se traverse à pas feutrés, presque en retenant son souffle.





Peu d’habitants, presque pas de bruit — juste les pas sur les pavés, le vent, et la lumière dorée qui glissait le long des murs.




Ce lieu semblait fait pour la contemplation, ou l’exil intérieur. Mirambel nous a enveloppés d’un charme discret, pudique, mais tenace.
Et puis, au détour d’un virage, elle est apparue : Cantavieja, juchée sur son promontoire comme un mirage de pierre, une sentinelle immobile.
L’approche est spectaculaire. La route grimpe, serpente, s’accroche à flanc de falaise. À mesure que nous montions, le silence s’épaississait. Plus qu’un simple village, Cantavieja semblait veiller sur les siècles.

Nous avons garé la voiture à l’entrée du bourg. Pas un bruit, sinon le claquement du vent contre les vieilles portes. Les premières ruelles pavées nous ont enveloppés d’une étrange solennité. Chaque maison semblait avoir sa mémoire, chaque pierre son histoire.
La place porticada est apparue soudain, majestueuse et simple à la fois. Sous ses arcades, on devinait les bavardages d’autrefois, les marchés, les rassemblements. Là, au centre, se dresse l’église de l’Assomption, aux lignes baroques, mais dont l’âme est plus ancienne encore.

Mais ce n’est pas dans les édifices que bat le cœur de Cantavieja. C’est dans l’air, dans la lumière pâle de l’après-midi, dans ce sentiment d’être hors du temps.





Nous avons continué vers les hauteurs, jusqu’aux ruines du château templier. Peu de murs encore debout, mais quelle vue ! En contrebas, les vallées s’étendent comme un livre ouvert. On imagine les guetteurs, les prières, les batailles. Cantavieja fut un bastion. Templier, puis carliste. Ici, Ramón Cabrera mena ses troupes. Ici, l’histoire n’est pas figée : elle habite les lieux.

En repartant, j’ai regardé une dernière fois ce village suspendu entre ciel et pierre. Cantavieja n’est pas un lieu que l’on visite. C’est un lieu qui vous garde.


