La Casa de los Paraguas

Une perle moderniste sur les Ramblas

Impossible de flâner sur les Ramblas de Barcelone sans être arrêté par cette façade insolite. À mi-chemin entre la statue de Christophe Colomb et la Place de Catalogne, tout près du Gran Teatre del Liceu, un bâtiment attire inévitablement les regards : la Casa de los Paraguas, littéralement « la Maison des Parapluies ».

Un dragon qui défie le temps

Ce qui saisit en premier, c’est l’incroyable dragon asiatique fixé à l’angle de l’immeuble, tenant entre ses griffes une lanterne en bambou et encerclé d’un éventail et d’un parapluie. Une véritable sculpture en trois dimensions qui semble veiller sur les passants. C’est, après la statue de Colomb, l’un des points les plus photographiés des Ramblas.

Derrière cette décoration exubérante se cache une histoire bien réelle : celle de Bruno Cuadros, un entrepreneur barcelonais qui, en 1854, loue un simple rez-de-chaussée pour y installer son magasin d’ombrelles, chapeaux et éventails. Le commerce prospère rapidement, et Cuadros parvient à acheter non seulement le local, mais aussi les appartements situés au-dessus.

La métamorphose moderniste

Dans les années 1880, Barcelone se prépare à accueillir l’Exposition universelle de 1888. C’est une époque d’effervescence architecturale : la ville se modernise, les façades se parent de décors audacieux, et le modernisme catalan commence à émerger. Bruno Cuadros décide alors de transformer entièrement son immeuble. Il fait appel à Josep Vilaseca i Casanovas, un architecte influencé par les courants modernistes et orientalistes.

Entre 1883 et 1885, l’immeuble subit une rénovation totale : un étage supplémentaire est ajouté, les appartements sont réaménagés, et les trois façades sont couvertes d’un décor éclectique et coloré. Ce décor, très novateur pour l’époque, s’inspire des cultures égyptienne et japonaise, en vogue dans les cercles intellectuels et artistiques de la bourgeoisie barcelonaise.

Une façade comme un catalogue d’objets exotiques

La façade devient alors une vitrine artistique à part entière : ombrelles stylisées, éventails gravés, estampes japonaises… Ces éléments ne sont pas choisis au hasard. Ils rappellent les objets venus d’Orient que Bruno Cuadros faisait importer et vendait dans sa boutique. À travers l’architecture, c’est toute une esthétique du voyage et de l’exotisme qui s’exprime.

Le magasin d’ombrelles a disparu depuis longtemps, mais la façade a été soigneusement restaurée en 1980. Aujourd’hui, le rez-de-chaussée abrite une succursale bancaire, mais la magie opère toujours. Les passants continuent de lever les yeux, émerveillés par ce dragon suspendu au-dessus des Ramblas, témoin silencieux d’un temps où le commerce, l’art et l’architecture ne faisaient qu’un.

Pour clôturer on peu poser le pied sur la mosaïque « Le Pla de l’os » de Joan Miró.