
Dans les entrailles du pouvoir
Une sculpture dérangeante au MACBA de Barcelone
Il y a des œuvres d’art qu’on admire. D’autres qui nous apaisent. Et puis, parfois, une pièce vous saisit à la gorge. Elle ne demande pas la permission. Elle entre. Et elle reste.
C’est ce qui m’est arrivé au MACBA, le Musée d’Art Contemporain de Barcelone. En déambulant entre les murs blancs, je suis tombé sur une sculpture brutale, presque insupportable, mais impossible à ignorer.
Trois corps. Une scène.
Au sol, une dizaine de casques militaires rouillés, troués, abandonnés. Témoins muets de conflits passés. Par-dessus, une figure humaine nue, à genoux, les mains au sol, en position de soumission. Il vomit des fleurs en plastique. Derrière lui, une femme, poitrine nue, casquée, souriante. Elle le chevauche comme une bête de somme. Et derrière elle, une figure animale — peut-être un âne, ou un démon — ferme la marche.
Rien n’est agréable dans cette composition. Et c’est précisément le but.
Une métaphore crue du pouvoir
Il ne s’agit pas ici d’une scène réaliste. C’est une allégorie. Le pouvoir y est représenté dans ce qu’il a de plus brutal, de plus archaïque.
La femme casquée n’est pas une femme, mais une figure de domination.
L’homme rampant n’est pas un homme, mais l’individu broyé, obéissant, à genoux devant la machine.
Les casques rouillés racontent les guerres, les armées, la mort industrielle.
Et cette nature vomie, ces fleurs artificielles, semblent dire : voilà ce qu’il nous reste de l’humanité. Du plastique, du simulacre.
Une œuvre sans filtre
Il est probable que cette sculpture soit l’œuvre d’un artiste comme Santiago Sierra, connu pour ses installations politiquement violentes. Qu’il s’agisse de colonialisme, de guerre, de domination sexuelle ou de capitalisme, ses œuvres sont là pour déranger, secouer, faire réfléchir.
Ici, le message est sans détour : la violence est une mécanique sociale. Elle est entretenue par les institutions, les hiérarchies, les rapports de force.
Elle est ancienne, rouillée, mais toujours en marche.
L’art comme électrochoc
Je suis resté longtemps devant cette œuvre. Pas parce que je l’aimais. Mais parce qu’elle m’obligeait à penser. À la guerre, à l’humiliation, à ce que nous acceptons encore aujourd’hui — parfois sans même le voir.
Ce n’est pas une œuvre qu’on commente à la sortie du musée, sourire aux lèvres. C’est une œuvre qui vous suit, comme une ombre, pendant des jours.
Et peut-être est-ce cela, le rôle de l’art contemporain : ne pas toujours embellir le monde, mais révéler ses fractures.
📍 MACBA – Musée d’Art Contemporain de Barcelone
Plaça dels Àngels, dans le quartier du Raval
Entrée libre chaque samedi après 16h.
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