La poudre blanche sous les palmiers

Koh Phi Phi : la poudre blanche qui tue

La première fois qu’on entend parler de la poudre blanche de Koh Phi Phi, on croit à une invitation au rêve. Les prospectus vendent des plages de sable immaculé, une mer turquoise, des cocktails au coucher du soleil et des fêtes effrénées jusqu’au petit matin. Mais derrière cette image de carte postale, la poudre blanche prend un autre sens. Elle s’infiltre partout. Dans les veines de ceux qui cherchent l’oubli. Dans les racines des plantes. Dans les coraux blanchis. Dans le ventre des poissons.

Il y a d’abord la vraie, la brutale. Celle que l’on renifle au fond des bars, dans les toilettes crasseuses ou sur les balcons des guesthouses qui surplombent le chaos. La cocaïne — parfois coupée, souvent présente — circule à la faveur des fêtes qui ne s’arrêtent jamais. Les Full Moon Parties, délocalisées depuis Koh Phangan, ont trouvé ici un nouveau terrain de jeu. Les touristes, venus s’échapper du quotidien, consomment sans trop se poser de questions. Mais cette poudre blanche laisse des traces : overdoses silencieuses, violences, disparitions, illusions perdues au lever du jour.

Et puis il y a l’autre poudre. Celle qui n’a pas besoin de dealers. Celle que la pluie lessive des trottoirs, que les hôtels rejettent par les tuyaux, que les bateaux répandent dans le sillage de leurs moteurs.

Les produits chimiques utilisés pour blanchir les draps, nettoyer les sols, désinfecter les piscines. Les microplastiques du maquillage waterproof, des bouteilles abandonnées sur la plage. Les crèmes solaires toxiques que chaque baigneur laisse derrière lui.

Les plantes de Koh Phi Phi ont commencé à mourir. Les feuillages jaunissent. Les racines pourrissent. Les arbres tombent sous la pression de ce sol gorgé de sel, de chlore et de produits d’entretien. Dans la mer, les coraux deviennent blancs comme des os. C’est le blanchissement, signe d’un stress extrême, d’un déséquilibre fatal. Les poissons désertent, les tortues ne reviennent plus pondre sur les plages souillées.

La poudre blanche est partout. Elle contamine les rêves, les corps, les écosystèmes. Elle est le symbole d’une île sacrifiée sur l’autel du tourisme de masse. Koh Phi Phi, naguère sanctuaire de beauté, est aujourd’hui une sirène blessée, qui chante encore mais se meurt à petit feu.

Il est temps d’ouvrir les yeux. De comprendre que la blancheur ne veut pas toujours dire pureté. Qu’elle peut être le masque de la destruction. Et qu’à force de consommer sans conscience, on finit par dévorer ce qu’on est venu aimer.