Oristano

Les bunkers oubliés de la côte ouest

En flânant sur la côte d’Oristano, il arrive qu’au détour d’un chemin ou d’une haie, on devine sous la végétation l’ombre grise d’un bunker oublié. Un souvenir immobile d’une époque où la Sardaigne se préparait à l’invasion.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la défense côtière est devenue une priorité pour l’armée italienne. La Sardaigne et la Sicile étaient vues comme des cibles majeures des forces alliées. Pour parer à un éventuel débarquement, des lignes de fortifications ont été construites, notamment le long du tronçon Oristano-Arborea, un secteur stratégique en raison de la proximité de la route Carlo Felice et de la voie ferrée Cagliari-Macomer.


Le système défensif s’étirait sur près de 25 kilomètres, entre Cabras et Marceddì. Il devait ralentir toute attaque grâce à une série de positions armées et de grillages anti-débarquement. Les bunkers visibles aujourd’hui sont de deux types : des positions multi-armes pour mitrailleuses et canons, et des casemates circulaires pour une seule arme. La plupart ont été construits en 1942-1943 par deux entreprises locales, mobilisant près de 500 travailleurs civils et militaires.


Pour résister aux tirs ennemis, les blockhaus étaient faits de béton armé, avec des meurtrières renforcées de fer. Mais leur camouflage était tout aussi essentiel : certains étaient peints, d’autres dissimulés à proximité de sites nuragiques, comme à Cirras près du Nuraghe Nuragheddu. Parfois, ils étaient déguisés en maisons de ferme, avec de fausses fenêtres peintes et des toits en tuiles, notamment à Santa Giusta et Sassu. À Marceddì, une vieille tour côtière fut même renforcée pour servir d’abri défensif.


Aucune bataille majeure n’a été documentée dans cette zone, mais des traces de tirs de mitrailleuses visibles sur certains bunkers, comme ceux de Cirras, témoignent de possibles escarmouches, peut-être lors de survols alliés ou pendant la retraite allemande.


Au fil des décennies, beaucoup de ces fortins ont été détruits pour faire place aux routes et aux cultures. Ceux qui restent, souvent envahis par la végétation, sont aujourd’hui des témoins silencieux d’une Sardaigne en alerte, à la veille de bouleversements majeurs. Ces vestiges sont protégés par des lois nationales et régionales, et font l’objet d’études, notamment dans l’ouvrage Fortini di Sardegna publié par l’Association d’études historiques des fortifications de l’île.

De passage à Oristano, il suffit de lever les yeux vers les dunes ou de suivre un sentier oublié pour croiser ces ombres de béton, dernier rempart contre un ennemi qui n’est jamais venu.