Onze ans plus tard
Cela fait un mois que j’ai subi une opération à cœur ouvert. Je suis aujourd’hui dans un centre de réadaptation cardiaque, et mes pensées s’envolent vers l’Espagne, l’Aragon, Teruel, Jaganta, le village de mon grand-père, là où, il y a déjà onze ans, nous avons acheté une ruine.
Onze années se sont écoulées. Je dirais simplement : « L’histoire a ses retours en arrière, et la vie ses détours. »
Depuis août 2007, je n’ai pas remis les pieds à Jaganta. Le temps est passé, alourdi par les ennuis de santé, les galères financières, et cette force sourde, invisible, qui nous éloigne parfois des endroits les plus chers.
Qu’est-elle devenue, la maison ?
Notre ruine. Notre serment. Est-elle toujours là, dressée dans l’oubli, cachée sous les herbes folles ? Ou bien quelqu’un l’a-t-elle reprise, reconstruite, effacée ? Je l’ignore. Et pour être franc, je n’ose pas chercher. J’ai préféré garder en moi le souvenir intact de ce mois de juin, la lumière sur la pierre, les voix perdues dans les ruelles, et les secrets murmurés à demi-mot.

Jaganta n’est plus seulement un village. C’est un fil tendu entre les générations, entre l’exil et le retour, entre le silence et les cris. Même si je n’y suis pas retourné, je ne m’en suis jamais éloigné. Je reste lié. Par la mémoire. Par le sang. Par les histoires que j’écris pour que rien ne s’efface.

