Parc naturel de Santa Barbara

Un territoire secret au cœur de l’Ogliastra

Aux confins des montagnes sardes, entre Villagrande Strisaili, Arzana, Desulo et les replis solitaires de l’Ogliastra intérieure, s’étend un vaste territoire préservé, à la croisée de la nature sauvage, de la mémoire industrielle et des traditions pastorales : le Parco Naturale di Santa Barbara.

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Ce parc, encore peu connu hors de Sardaigne, n’est pas un parc national au sens administratif strict, mais plutôt une zone naturelle protégée, gérée à l’échelle régionale, traversée par des sentiers peu balisés et marquée par une forte identité locale. Ici, l’homme a cohabité avec la montagne pendant des siècles – en creusant des routes, en captant les eaux, en bâtissant des colonies et des barrages – mais sans jamais vraiment domestiquer l’ensemble.

Le parc est profondément marqué par le fleuve Flumendosa, deuxième cours d’eau de Sardaigne. Son cours a été régulé par trois grands sauts hydroélectriques ENEL.

Ces ouvrages imposants, construits au XXe siècle, visaient à produire de l’électricité pour alimenter l’île. Aujourd’hui, bien que certains soient toujours en service, ils dégagent une atmosphère de solitude étrange, mêlant béton, rouille, nature en train de reprendre ses droits et vestiges de la colonie ENEL de Bau Muggeris, un hameau bâti pour loger les ouvriers et leurs familles.

Non loin de là, le Lago Bau Muggeris, retenue formée par le barrage éponyme, étale ses eaux sombres au creux de la vallée. Il offre un paysage grandiose, presque irréel par temps brumeux. Peu fréquenté, il est entouré de forêts épaisses et de falaises abruptes, propices à l’observation du mouflon sarde, emblème discret de ces terres.

Au-delà des barrages et des lacs, le parc déploie un maillage de vallons encaissés, de crêtes granitiques et de forêts primaires, où l’on croise sangliers, renards, rapaces et parfois des cerfs sardes.

C’est ici que se cachent quelques-uns des joyaux naturels du coin :

• la Cascata Gattiddai, chute d’eau verticale qui se dévoile au détour d’un sentier forestier,
• la Piscina Naturale di Calonia, bassin translucide alimenté par une eau glaciale, où seuls les plus courageux (pas Réglisse en octobre !) osent s’aventurer,
• À Villagrande Strisaili, les anciennes fontaines comme la Funtana Is Murisinas et la Funtana ‘E Cambasuntas témoignent du lien profond entre les habitants et leur territoire
• et d’innombrables sources, vasques, ruisseaux temporaires qui naissent au détour d’un rocher, à l’ombre d’un chêne centenaire.

Des villages-passerelles et des silences habités

Le parc s’articule autour de plusieurs villages de montagne :

• Villagrande Strisaili, haut perché, connu pour la longévité de ses habitants et ses légendes de sorcières,
• Villanova Strisaili incarne ce que l’intérieur de la Sardaigne a de plus authentique. C’est un village calme, verdoyant et préservé, loin des circuits touristiques habituels.
• Arzana, où se trouve un ancien sanatorium abandonné, vestige du combat contre la tuberculose, et d’où partent de nombreux chemins forestiers.

En savoir + sur le Sanatorium

Le sanatorium d’Arzana se trouve dans le village même, à proximité du centre, et non isolé en pleine montagne comme d’autres établissements du même type en Sardaigne.

Construit au début du XXe siècle, ce bâtiment imposant accueillait les malades de la tuberculose, tirant parti de l’air pur et sec des montagnes de l’Ogliastra. Après sa fermeture, il est resté à l’abandon, figé dans le silence, ses longs couloirs vides et ses chambres délabrées attirant désormais les photographes, les explorateurs urbains et les habitants intrigués.

Ces bourgs sont les gardiens silencieux du territoire, refuges des bergers, artisans et anciens, encore profondément liés à leur environnement. On y trouve des trattorias discrètes, des places désertes à l’heure de la sieste, et parfois des fresques murales racontant la mémoire des lieux.

Il n’y a ici ni grands panneaux, ni infrastructures touristiques, ni files de voitures. Les visiteurs sont rares et souvent randonneurs avertis, spéléologues, ou amoureux de la solitude et du silence. Le réseau de sentiers, parfois envahi par la végétation, suit d’anciens chemins muletiers ou des pistes forestières ENEL.

Le climat, rude en hiver et sec l’été, réserve l’automne comme meilleure saison de visite : lumières dorées, feuillages mordorés, air vif, et ruisseaux encore pleins d’eau.

Le Parco Naturale di Santa Barbara est un morceau de Sardaigne resté intact, puissant, habité de récits et de silences. On y vient pour marcher, pour écouter l’eau, pour toucher la pierre, et pour sentir ce que signifie vraiment l’expression « île-montagne ».

Peu de lieux en Europe offrent une telle densité de nature, de mémoire humaine et d’émotion brute, dans un périmètre aussi discret.