
SLASH ou l’ironie murale
SLASH ou l’ironie murale d’un road trip malaisien
C’était en mars 2023, lors d’un road trip à travers la Malaisie. Sous le soleil lourd de Penang, entre deux ruelles étroites de George Town, sur l’île de Medan, je suis tombé sur une fresque qui m’a fait littéralement m’arrêter net. Sur un panneau un peu défraîchi, trônait une figure étrange, provocante, troublante.
Ma première pensée ? Un sourire amusé, un peu absurde :
“Lol j’espère que cette caricature ne représente pas Saul Hudson ‘SLASH’ du groupe Guns N’ Roses…”
Et puis, en m’approchant, en laissant le choc visuel s’installer, j’ai compris qu’il y avait autre chose. Quelque chose de plus brut, de plus politique, de plus dérangeant. Voici ce que cette œuvre m’a inspiré :
SLASH – Corps censuré, regard déchaîné
Là où les murs parlent plus librement que les rues, sur un panneau de bois, un graffiti détonne, une femme nue, au corps difforme, allongée, peinte à même le un support qui la rend encore plus éphémère. Le contour est net, noir, et le corps rempli d’un rose vif, presque provocant. Elle fixe, elle défie, elle dérange.

Sur ses seins, deux sparadraps en croix – tentative dérisoire de censure ou moquerie directe des codes religieux et sociaux ?
Tout est question de regard.
Ce n’est pas une “belle” femme au sens classique, c’est une présence, une créature, presque monstrueuse — et c’est là toute sa puissance.
Ses cheveux frisés éclatent autour de son visage comme une aura indocile. Elle provoque. Et pour accentuer l’incongruité de la scène, son pouce droit est levé, en une sorte de geste ironique : “C’est chouette, non ?”

Au-dessus ou à côté, SLASH. Une entaille visuelle, un mot-coupure. Peut-être le seul nécessaire dans ce pays où le corps féminin est encore tabou, où l’art transgressif flirte avec l’interdit. Car n’oublions pas : nous sommes en Malaisie. Un pays où la pudeur est norme, où la nudité choque, où les murs eux-mêmes doivent choisir leurs mots.
Le mot SLASH — littéralement “entailler”, “fendre” — agit ici comme une blessure symbolique, mais aussi comme un acte de rupture. Il pourrait évoquer la violence faite aux corps, les injonctions, ou au contraire, la décision de trancher avec les règles, de se réapproprier l’espace et l’image de soi.
Pour moi, cette œuvre est une bombe, pas par sa beauté, mais par ce qu’elle ose montrer — et surtout ce qu’elle refuse de cacher. Le corps, même difforme, même laid, est là. Brut. Sans filtre. Sans charme. Et pourtant, impossible de détourner les yeux.
Gifle faite à l’ordre établi, un pied-de-nez à la censure, un rire jaune lancé au visage des bien-pensants, une œuvre qui semble dire :
“Regardez-moi. Je suis là. Même si je vous dérange.”
Et puis… le twist
Quelques recherches plus tard, je découvre que cette fresque, loin d’être un simple acte de rébellion urbaine, est en fait l’enseigne d’un lieu : le SLASH CLUB, fondé cette même année-là, en 2019.
Slash, ici, ne réfère pas à un guitar hero, mais à un nouveau mode de vie. Celui des jeunes qui ne se contentent plus d’une seule carrière ou identité. Ceux qui sont à la fois designers / musiciens / enseignants / explorateurs. Le slash est une attitude, une forme de réalisation personnelle par la multiplicité.
“Slash est une sorte de réalisation de soi ; une motivation de vie ; une attitude de vie.”
Le SLASH CLUB se présente comme une plateforme ouverte : échanges professionnels, loisirs créatifs, apprentissages hybrides, activités outdoor. Un lieu pour les âmes curieuses, fatiguées de la routine, prêtes à rencontrer, apprendre, et construire autrement.
Et cette femme peinte ? Ce n’est plus une provocation gratuite. C’est un symbole. Une façon de dire : “Voici la vérité nue. Voici la différence. Voici l’affirmation de soi, même dans la laideur, même dans la peur.”
Ce que j’avais pris pour un simple graffiti de rue était en fait un manifeste graphique, une accroche visuelle forte au service d’une idée : vivre pleinement, hors des cases, hors des rôles prédéfinis.
SLASH, au final, c’est bien plus qu’un mot peint sur du bois. C’est une invitation à se redéfinir.
Et franchement ? Ce genre de surprise, en plein road trip, vaut tous les guides de voyage du monde.
À propos du SLASH CLUB
Fondé en 2019 en Malaisie, le Slash Club est un espace hybride dédié aux jeunes souhaitant explorer une vie plurielle. Il encourage la découverte, le partage et l’autonomie créative à travers une programmation variée mêlant formation, art, socialisation et développement personnel.

