Trois jours à Koh Lipe

l’île aux pieds nus et aux frontières de sable

On a quitté Langkawi un matin moite, le cœur encore chargé des couleurs malaisiennes et l’œil tourné vers l’horizon. En ligne de mire : Koh Lipe, petite perle perdue de la mer d’Andaman, invisible sur bien des cartes, mais promise par les récits de voyageurs comme un trésor discret, aux antipodes de la foule.

Le bateau fendait la mer. À mesure que nous nous éloignions de Langkawi, les conversations s’estompaient, comme happées par l’horizon. Une heure et demie plus tard, une ligne de sable blanc s’est dessinée sur l’eau turquoise. Koh Lipe. Elle semblait flotter, posée délicatement sur la mer, entourée d’un halo de lumière.

Il n’y avait pas de jetée, pas de quai officiel. Le ferry s’arrêta au large, et on nous fit grimper dans de petites long-tail boats traditionnelles, colorées, qui tanguèrent doucement en nous emmenant vers la plage.

À peine quelques minutes plus tard, le sable sous nos pieds nus. Littéralement. Pas de chaussures, pas de route. Juste le ressac, la chaleur du sable fin, et ce sentiment étrange de débarquer dans un autre monde.

Devant nous, un petit abri en bois, ouvert aux quatre vents, posé sur la plage. Le poste frontière thaïlandais, façon Koh Lipe : un bureau d’immigration les pieds dans le sable. Pas de file interminable, pas d’ambiance tendue. Juste un agent souriant, des tampons, et ce doux sentiment d’être accueilli. Quelques formalités, la taxe pour le parc national marin à régler sur une table en plastique, et voilà. Nous étions entrés en Thaïlande comme on entre dans un rêve.

Nos sacs sur le dos, la peau déjà chauffée par le soleil, on a traversé la plage pour rejoindre un petit bungalow en retrait. La mer brillait, le vent portait des odeurs de sel et de frangipanier, et derrière nous, l’agitation du ferry avait déjà disparu. Koh Lipe nous ouvrait les bras, doucement.

Nous avons passé trois jours entiers à vivre au rythme lent du ressac, entre Sunrise Beach, parfaite pour commencer la journée face au lever du soleil, et Sunset Beach, plus sauvage, où le ciel se teinte de pourpre.

À midi, on déambulait sur Walking Street, minuscule artère de vie entre deux plages, à la recherche de curry massaman, de smoothies glacés et de conversations spontanées.

Et l’après-midi ? Farniente total. Hamac, lecture, sieste à l’ombre d’un palmier, ou baignade paresseuse dans une eau si chaude qu’elle en devient une seconde peau. Les journées s’étiraient doucement, sans programme, sans attente.

Le soir venu, l’île changeait de rythme. Les bars de plage s’allumaient de lanternes colorées, la musique s’élevait doucement — reggae, jazz, ou ballades thaï pop. Assis dans le sable, bière fraîche à la main, on regardait les cracheurs de feu illuminer la nuit, les couples danser pieds nus, les rires se mêler aux vagues. Le temps s’effaçait. C’était beau. Simple. Juste la vie au présent.

Puis, il a fallu partir. On a embarqué de nouveau, direction Koh Lanta, puis Koh Phi Phi. La promesse d’autres paysages, d’autres instants suspendus.

Mais Koh Lipe, avec son poste-frontière de plage, sa douceur insulaire, ses soirées musicales et ses bières partagées sous les étoiles, restera pour nous comme la porte d’entrée rêvée vers la Thaïlande. Une île minuscule, oui, mais immense par la sérénité qu’elle offre.