
Sacrée année 2018
2018… une année que je ne suis pas près d’oublier.
Ce fut l’année du mariage de mon fils Brice, un moment d’émotion pure, de fierté silencieuse, et de regards complices échangés sous les cieux d’un jour heureux. Un instant suspendu dans le tumulte du temps, gravé quelque part entre le cœur et la mémoire.
Mais 2018, ce fut aussi l’année des Gilets jaunes. Un cri venu d’en bas, de la France des ronds-points et des fins de mois difficiles. Une colère jaune fluo, qui a secoué les vitrines et les consciences, réveillé les places et les plateaux télé, et révélé une fracture que beaucoup refusaient de voir.
- Le 4 novembre, là-bas, en Nouvelle-Calédonie, on votait pour ou contre l’indépendance, et à Marseille, un immeuble s’écroulait rue d’Aubagne, emportant des vies et révélant, une fois de plus, l’insalubrité silencieuse de nos villes.
- Le 11 novembre, on commémorait les 100 ans de l’Armistice, et à Paris, les puissants du monde entier se rassemblaient sous l’Arc de Triomphe.
Mais moi, ce jour-là, je pensais surtout à mon propre combat.
Car 2018, c’est aussi l’année où j’ai subi une opération à cœur ouvert.
Je m’en souviens comme si c’était hier. Le souffle court, les nuits blanches, l’attente. Puis la lame du bistouri, la douleur, et ensuite… le silence. Un silence étrange, fait d’angoisse, de gratitude et de fatigue. Une renaissance maladroite, un corps à réapprivoiser.
Aujourd’hui, cela fait un mois que je suis en centre de réadaptation cardiaque. Un mois que je réapprends à respirer autrement, à écouter ce cœur rafistolé, à faire la paix avec mes limites.
Et mes pensées, elles s’échappent. Elles volent vers l’Espagne, vers l’Aragon, vers Teruel et Jaganta, le village de mon grand-père.
Là-bas, en 2007, nous avions acheté une ruine. Un vieux tas de pierres au cœur d’un silence minéral, accroché aux flancs des collines rouges et ocres. Une promesse. Une folie douce. Un rêve.
Onze années ont passé. Je n’ai plus remis les pieds à Jaganta depuis cet été-là. Le temps s’est distendu. Il s’est rempli de galères financières, de tracas médicaux, et de cette force invisible, presque cruelle, qui parfois nous écarte des endroits qu’on aime le plus.
Je pense à ce lieu comme on pense à une vieille lettre jamais envoyée. Il attend. Moi aussi. Peut-être qu’un jour, on se retrouvera.
Car, oui…
« L’histoire a ses retours en arrière, et la vie ses détours. »
Et dans ce détour nommé 2018, il y a eu tout ça : la joie, la lutte, la peur, l’éveil, la fêlure, et l’amour.
Et un cœur, réparé mais pas brisé, qui bat un peu plus fort chaque jour.
Qu’est-elle devenue, la maison ?
Notre ruine. Notre serment. Est-elle toujours là, dressée dans l’oubli, cachée sous les herbes folles ? Ou bien quelqu’un l’a-t-elle reprise, reconstruite, effacée ? Je l’ignore. Et pour être franc, je n’ose pas chercher. J’ai préféré garder en moi le souvenir intact de ce mois de juin, la lumière sur la pierre, les voix perdues dans les ruelles, et les secrets murmurés à demi-mot.

Jaganta n’est plus seulement un village. C’est un fil tendu entre les générations, entre l’exil et le retour, entre le silence et les cris. Même si je n’y suis pas retourné, je ne m’en suis jamais éloigné. Je reste lié. Par la mémoire. Par le sang. Par les histoires que j’écris pour que rien ne s’efface.
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