
Hôtel discotheque abandonnée Sardaigne
Ex Kiss, le vaisseau oublié de Tempio Pausania
Il y a des moments où le paysage semble soudain vaciller. Alors que nous quittons Tempio Pausania, en empruntant un chemin de traverse qui mène au Monumento ai Caduti di Curraggia, une silhouette inattendue surgit à travers les broussailles : une masse hexagonale, massive et incongrue, posée là comme un vaisseau spatial échoué.

Impossible de la rater. Elle domine la colline de Curraggia, telle une carcasse futuriste figée dans un décor qui ne lui ressemble pas. C’est l’ancien hôtel-discothèque que les habitants appellent encore « Ex Kiss ».
Le lieu n’a rien d’anodin. Le chemin mène d’abord au Monumento ai Caduti di Curraggia, un mémorial érigé à la mémoire des neuf victimes du terrible incendie du 28 juillet 1983, l’une des plus grandes tragédies qu’ait connue la Gallura. Ce jour-là, les flammes ravagèrent les collines entourant Tempio Pausania, emportant pompiers, volontaires et habitants.
C’est dans cette même zone, sur cette colline aujourd’hui envahie par les broussailles, que l’on découvre l’Ex Kiss, dont l’histoire croise celle du feu, du béton, de la fête… et de l’abandon.
Un hôtel devenu boîte de nuit culte

Construit entre 1969 et 1971, le bâtiment était à l’origine un hôtel baptisé « Hôtel delle Fonti di Rinaggiu », du nom des fameuses sources thermales situées à proximité. Avec sa piscine, sa terrasse panoramique et ses six étages à la structure hexagonale, il incarnait l’ambition touristique de l’époque.
Mais le rêve fut de courte durée. L’établissement fit faillite, puis fut repris partiellement par la Région. Seuls les deux premiers étages furent encore exploités. Le reste ? Fermé. Figé.
Le règne du Kiss et les années disco
Au début des années 1980, le rez-de-chaussée se transforme en discothèque : c’est la naissance du Kiss Club, qui deviendra rapidement un repaire pour la jeunesse de Tempio et des environs. Pendant près de deux décennies, la colline résonne de musique, de pas de danse et de récits de soirées inoubliables.
Mais en 1983, les flammes du drame de Curraggia viennent hanter les lieux. Le bâtiment est épargné, mais l’ambiance ne sera plus jamais la même.
Une succession de renaissances éphémères
Dans les années 90, le Kiss ferme ses portes… pour mieux rouvrir sous un nouveau nom. Millennium (1998-2003), puis Karawentu, puis encore Up n’Down (2009-2010) : autant de tentatives de relancer l’esprit festif du lieu.
Mais la magie n’opère plus. Et à partir de 2010, le silence s’installe pour de bon.
Ruines d’un autre temps
Aujourd’hui, l’Ex Kiss n’est plus qu’un squelette de béton, rongé par le temps et les pillards. Les étages supérieurs sont éventrés, le rez-de-chaussée a été totalement démantelé. Des corniches s’effondrent. Les fenêtres béantes laissent entrer le vent, les pigeons, l’oubli.






Non loin, une villa abandonnée, en briques et en bois, ajoute au mystère. Maison du gardien ? D’un ancien propriétaire ? Personne ne sait. Seule certitude : le lieu a basculé dans l’étrange.





Un bâtiment en sursis
La municipalité de Tempio évoque depuis plusieurs années la nécessité de le démolir. À la fois dangereux et dissonant, le bâtiment ne trouve plus sa place dans un paysage où la pierre de granit règne.
Mais tant qu’il tient debout, il attire les regards et les imaginaires. Certains y voient une horreur architecturale. D’autres, un monument à la démesure d’une époque.
🗺 À savoir avant d’y aller
📍 Localisation : Sur la colline de Curraggia, accessible depuis Viale Giovanni XXIII, via le chemin menant au Monumento ai Caduti di Curraggia
🔥 Ce monument rend hommage aux neuf victimes de l’incendie du 28 juillet 1983, un des drames les plus marquants de la région.
🚫 Propriété privée, site dangereux, visite fortement déconseillée
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Ce qu’il en reste ?
Des souvenirs de fête, une mémoire blessée,
et une structure fantôme qui semble attendre son dernier souffle — ou son heure de gloire posthume.

