
1 mois en Sardaigne
Sardaigne : une île, mille visages
Parmi toutes les îles de la Méditerranée, il en est une qui, à chaque fois que je la foule, me trouble et m’enchante comme au premier jour : la Sardaigne. Sauvage, fière, intacte. J’y suis retourné plusieurs fois, et jamais elle ne m’a déçu.

Bienvenue en Sardaigne.
Dès qu’on y met les pieds, les senteurs de myrte, de maquis, de sel et de soleil vous enveloppent. On est ailleurs. Le vent semble porter les chants ancestraux d’un peuple chaleureux, les Sardes, adorables et toujours souriants, avec ce petit côté roublard aussi : certains vous demandent d’annuler la réservation en ligne pour payer en direct – avec un clin d’œil complice, bien sûr !
Car ici, les traditions ne se racontent pas, elles se vivent. Les objets, les costumes, les fêtes sont encore bien présents. Et chaque région est un monde en soi. En Sardaigne, il y en a pour tous les goûts : montagnes, plages, criques secrètes, îles désertes ou prisées, falaises vertigineuses, villages fantômes, anciennes mines et vignobles baignés de soleil.
Mais attention : pour apprécier l’île à sa juste valeur, il faut bien choisir sa région. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, chaque recoin a son identité propre.

Sardaigne, l’île sauvage et envoûtante
Après un mois magique à parcourir la Corse, une envie irrésistible nous pousse à prolonger l’aventure. Et quelle meilleure destination que sa voisine du sud, si proche et pourtant si différente ?
Le 12 octobre 2021, nous embarquons sur un ferry, laissant derrière nous les falaises de Bonifacio pour gagner Santa Teresa Gallura, au nord de la Sardaigne.
Dès notre arrivée, le parfum du maquis, la lumière dorée sur les pierres, l’accueil chaleureux – et un brin roublard – des Sardes nous enveloppent. Ici, tout est plus brut, plus sauvage. Et tout est invitation à la découverte.
Premiers pas en terre sarde
Santa Teresa est une petite ville animée, posée face au détroit de Bonifacio. On y sent encore l’ombre de la Corse toute proche, notamment en contemplant les eaux cristallines de la plage de Rena Bianca. Premier arrêt. Première claque de beauté.
Non loin de là, la péninsule de Capo Testa, avec ses roches de granit sculptées par le vent et les vagues, nous offre un décor lunaire. Au bout du cap, un phare blanc veille solitaire sur cet univers minéral.



À l’est, Punta Falcone et Punta Marmorata nous ouvrent d’autres panoramas. Les falaises plongent dans la mer d’un bleu profond, entre plages de sable clair et criques secrètes.

Nous passons nos premières nuits à Porto Pozzo, dans un appartement un peu délabré, niché dans une résidence semi-abandonnée. Le lieu a des airs de décor de film post-apocalyptique, mais l’essentiel est là : un toit pour la nuit, et la liberté au matin.
De criques secrètes en sites oubliés
Le 13 octobre, nous poursuivons notre exploration vers Porto Liscia et sa Plage de Porto Pollo, ses paillotes, ses cabanes de bois au charme rétro nous transportent dans un autre temps. Tout au bout, l’île Isuledda se dresse, gardienne silencieuse d’une nature préservée.





De là, notre route serpente jusqu’à la Porta del Paradiso, qui porte si bien son nom : la Cala Scilla, la Spiaggia di Talmone, la vieille Batterie militaire de Talmone… Chaque détour est une surprise, un tableau naturel où la main de l’homme s’est faite discrète, presque respectueuse.







Après un délicieux repas à Cucumiao, petite pépite de restaurant fait-maison, nous filons à Palau, point de départ pour l’archipel de La Maddalena. L’excitation monte : demain, ce sera ferry et exploration insulaire !


Mais la journée ne s’arrête pas là. Avant la nuit, nous gravissons les pentes du Capo d’Orso, où le vent a sculpté la célèbre Roccia dell’Orso. D’ici, la vue sur la mer et les collines est hypnotique.






Le 14 octobre, Santa Teresa Gallura nous offre un autre visage, une plongée dans les traditions sardes.
La fête des Trois Saints Patrons — San Vittorio (14 octobre), Santa Teresa d’Avila (15 octobre) et Sant’Isidoro (16 octobre) — est un moment très important pour la ville et ses habitants.

La fête s’étale sur trois jours consécutifs et combine célébrations religieuses et animations populaires. Voici comment cela se passe généralement :
- 14 octobre : San Vittorio
La fête commence avec des messes solennelles en l’honneur de San Vittorio, l’un des premiers protecteurs spirituels de Santa Teresa. Une procession est souvent organisée dans les rues principales, avec la statue du saint portée par les fidèles, accompagnée de musique traditionnelle. - 15 octobre : Santa Teresa d’Avila
C’est le jour central, et aussi le plus important, car la ville porte le nom de Santa Teresa en son honneur. Ce jour-là, il y a une messe spéciale dans l’église paroissiale dédiée à la sainte, suivie d’une grande procession dans toute la ville. Les rues sont souvent décorées, et il n’est pas rare d’avoir des chants, des danses folkloriques et même des feux d’artifice le soir venu. C’est aussi une journée de retrouvailles pour les familles, les amis et les anciens habitants qui reviennent pour l’occasion. - 16 octobre : Sant’Isidoro
Le troisième jour est dédié à Sant’Isidoro, le patron des agriculteurs. Cette journée est marquée par des bénédictions des produits de la terre et parfois par une fête champêtre ou une foire locale, où l’on célèbre la ruralité, les traditions pastorales, et où les spécialités sardes sont mises à l’honneur.
Ambiance générale :
Pendant ces trois jours, Santa Teresa prend des airs de grand village en fête : les places se remplissent de marchés, de spectacles de rue, de concerts et de stands de nourriture. C’est un mélange de ferveur religieuse et de joie populaire dans un cadre magnifique, entre mer et granit.
Après la matinée passée à vibrer au rythme des festivités, nous prenons la route pour un changement d’ambiance.
Cap vers la Fortezza di Monte Altura, impressionnante sentinelle de pierre perchée sur les hauteurs. Hélas, à notre arrivée, ses lourdes portes sont closes ! Qu’à cela ne tienne, nous poursuivons notre chemin, le cœur léger, en quête de nouvelles découvertes.





Direction Cannigione pour un déjeuner gourmand, les papilles ravies par les saveurs de la mer.



Puis, longeant la côte, nous atteignons la plage de Marinella, avant de bifurquer vers le majestueux Capo Figari

Là, dans un décor presque lunaire, les ruines d’anciens fours à chaux se dressent, témoins silencieux d’un passé industriel oublié. Un contraste saisissant avec l’image éclatante et luxueuse de la Costa Smeralda toute proche. Ici, seuls les échos du vent et le parfum du maquis nous accompagnent.


L’appel des îles
Le 15 octobre, cap sur l’archipel de La Maddalena. Entre petites plages désertes, criques d’eau translucide et sentiers bordés de myrte et de lentisque, nous vivons une journée suspendue, comme hors du temps.













Héritages anciens et luxe clinquant

Le 16 octobre, retour sur le continent. Direction Arzachena pour explorer des sites archéologique. Des tombes mégalithiques nous rappellent combien la Sardaigne est une terre ancienne, bien avant les paillettes modernes de la Costa Smeralda.


Puis vient Porto Cervo, temple du luxe et de la dolce vita estivale. Villas extravagantes, yachts étincelants, boutiques de créateurs… Un autre monde. Pourtant, même ici, la nature s’impose : les plages de Capriccioli, Liscia Ruja, et la splendide Plage du Prince révèlent une mer d’un bleu irréel.

Olbia marque la fin de notre première boucle dans le nord-est. Une dernière flânerie dans ses ruelles, un dernier café en terrasse, avant de repartir sur les routes sardes.

Vers l’intérieur sauvage
Le 17 octobre, nous quittons la mer pour gagner les montagnes du nord. Telti, puis Tempio Pausania, capitale du granit, lovée dans un écrin de chênes-lièges. Ici, l’air est plus vif, l’atmosphère plus secrète.
La côte nord-ouest s’ouvre ensuite à nous : de Monti Russu à Portobello Nord, de Cala Sarraina à Costa Paradiso, chaque plage, chaque falaise raconte une Sardaigne brute, préservée, loin des clichés touristiques.
Dans cette mosaïque de paysages, surgit parfois l’étrange, comme cette coupole cachée, vestige architectural oublié par le réalisateur Michelangelo Antonioni et son amour Monica Vitti.
Castelsardo, le joyau final
Enfin, au détour d’un dernier virage, apparaît Castelsardo, silhouette médiévale dominant la mer.
Nous poursuivons vers Castelsardo, fièrement dressée sur son rocher, son château surplombant la mer.
Ses ruelles pavées, ses maisons colorées accrochées à flanc de colline, son vieux château… La Sardaigne nous offre là son dernier enchantement, avant de continuer notre grand voyage à travers cette île fascinante.
La nuit tombe à Sassari, où nous posons nos sacs à la Casa Ariston. En chemin, une curiosité : un rocher en forme d’éléphant nous salue.
Et demain ? Demain, ce sera une autre facette de la Sardaigne. Car cette île, je vous l’ai dit, est multiple. Il faut du temps pour la comprendre. Et encore plus pour ne plus vouloir la quitter.
18 octobre 2021 – Sassari et au-delà
Sassari, au réveil, nous accueille avec sa lumière automnale douce et ses ruelles encore endormies. Nous arpentons la vieille ville à pas lents, un peu à la recherche d’un coup de cœur, un peu désorientés après tant de merveilles naturelles. La ville nous semble austère au premier abord, mais en flânant entre ses placettes et ses bâtiments à la façade noble, on découvre son charme discret : la Piazza d’Italia et son atmosphère de grande place européenne, le Palazzo della Provincia, les arcades, et surtout l’église San Nicola, imposante et baroque.
Mais très vite, l’appel de la route se fait sentir. Nous quittons Sassari avec la sensation d’avoir effleuré quelque chose de plus profond, peut-être lié à son histoire, son passé universitaire, son esprit un peu rebelle.
En chemin, un détour s’impose : Monte d’Accoddi. Ce lieu à part, mystérieux, est unique en Europe : un ziggourat en pleine Sardaigne ! Ce monument énigmatique, aux airs de pyramide mésopotamienne, nous fascine. Comment expliquer sa présence ici ? Quelles cérémonies s’y déroulaient ? Tant de questions, si peu de réponses…
Puis vient Porto Torres, ville portuaire au caractère un peu rugueux. Pourtant, elle cache de beaux trésors : la basilique San Gavino, un joyau roman, et surtout les vestiges de l’antique Turris Libisonis, l’un des plus importants sites romains de Sardaigne. On y devine des rues, des thermes, des mosaïques. L’histoire nous rattrape encore, sur cette île décidément stratifiée.
Et le voyage continue…
L’île d’Asinara et Stintino, joyaux du nord-ouest
Après la visite mystique de Monte d’Accoddi, nous reprenons la route vers le nord, là où la Sardaigne semble presque effleurer la Corse. Direction l’île d’Asinara, un lieu à part, chargé d’histoire et baigné de silence. Autrefois bagne austère, puis prison de haute sécurité, Asinara est aujourd’hui un parc national protégé, un sanctuaire naturel où l’humain est invité à s’effacer.
L’accès y est limité à 300 visiteurs par jour, ce qui renforce l’impression d’entrer dans un autre monde. En février, nous y avions déjà jeté l’ancre dans une de ses baies aux eaux cristallines, et le souvenir était resté intact.
Cette fois encore, l’île nous offre ses paysages lunaires, ses ânes blancs emblématiques, ses plages désertes et ses collines parfumées de myrte et de lentisque. Ici, le temps semble suspendu. Nous marchons sur les sentiers de l’ancien bagne en silence, presque avec recueillement.
De retour sur la terre ferme, nous faisons escale à Stintino, ancien village de pêcheurs au charme simple et authentique. Le port est paisible, les maisons blanches s’alignent face à la mer, et les environs regorgent de plages sauvages, comme La Pazzona, plus secrète que sa célèbre voisine.
Mais le trésor de Stintino, c’est sans conteste La Pelosa. Une plage de carte postale : sable blanc immaculé, mer turquoise quasi irréelle, et au loin la silhouette de la tour aragonaise dressée sur l’île de Piana. Malgré les mesures de protection (accès limité, tapis obligatoires pour préserver le sable), la magie opère toujours. Nous restons là, un long moment, à contempler ce tableau parfait.
En fin d’après-midi, nous reprenons la route vers le sud et atteignons Alghero, où nous passons la nuit à l’Hôtel Soleado, face à la mer. Une parenthèse confortable, presque luxueuse après tant de nuits sous les étoiles ou dans de petits villages paisibles.
19 octobre 2021 – Alghero et la Grotte de Neptune
Le matin, nous partons à la découverte d’Alghero, la plus catalane des villes sardes.
Derrière ses remparts, la vieille ville déploie ses ruelles pavées, ses balcons fleuris, ses églises aux pierres dorées. L’influence espagnole se ressent partout : dans la langue, dans l’architecture, dans les saveurs des petits restaurants. Nous flânons sans but, entre les boutiques de corail rouge et les effluves d’espresso.
La cathédrale Santa Maria, la tour de Sulis, le bastion Marco Polo… Chaque pierre respire l’histoire maritime de la cité.
L’après-midi, nous embarquons pour rejoindre la Grotte de Neptune (Grotta di Nettuno), l’un des trésors naturels de la région. Accessible par la mer ou par l’impressionnant escalier de l’Escala del Cabirol (654 marches taillées dans la falaise), la grotte nous plonge dans un monde souterrain féerique : stalactites, stalagmites, lac intérieur aux reflets surnaturels… L’atmosphère y est irréelle, presque sacrée.
Sur le chemin du retour, un détour s’impose : l’Argentiera.
Ce village minier abandonné, figé dans le temps, semble sorti d’un roman de Zola transposé en Méditerranée.
Les structures métalliques rouillées, les baraques délabrées et la mer en toile de fond composent un tableau saisissant. Nous marchons en silence, happés par la mélancolie des lieux, le vent chargé de sel et de souvenirs.
Le soir, nous retrouvons Alghero pour une dernière balade sous les lampadaires dorés.
Entre nature sauvage, mémoire industrielle et charme méditerranéen, la Sardaigne continue de nous émerveiller à chaque virage.
Le Lendemain, le 20 octobre après une dernière balade dans le centre historique d’Alghero, encore imprégnés des senteurs de la mer et des pierres dorées, nous prenons la route vers l’intérieur des terres.
Première étape : Olmedo. Tout près, nous explorons deux sites archéologiques fascinants : les nécropoles d’Anghelu Ruju et de Santu Pedru.
À Anghelu Ruju, nous déambulons parmi les tombes creusées dans le roc il y a plus de 5000 ans. Le site est silencieux, presque solennel. On imagine les rites anciens, les croyances perdues, les vies effacées par le temps. À Santu Pedru, le sentiment est le même : une impression d’intemporalité, comme si les pierres murmuraient encore les histoires de ceux qui les ont façonnées.
Puis la route grimpe.
Nous montons vers Villanova Monteleone, un village suspendu entre ciel et granit. Le paysage devient plus âpre, plus sauvage. Ici, la terre s’accroche aux pentes escarpées, les maisons blanches semblent tenir par miracle. Le silence est presque absolu, juste troublé par le vent qui court sur les crêtes. C’est une pause hors du temps, un moment de pure contemplation.
Un peu plus loin, Montresta apparaît, discret et fier, niché dans une vallée reculée. Ce village, presque oublié du monde, s’affirme par ses peintures murales éclatantes.
Sur les façades, des scènes de la vie quotidienne, des récits de luttes, des hommages à la culture sarde. Chaque mur est un livre ouvert. Il y règne une poésie simple, une douceur farouche qui nous touche profondément.
Et enfin, nous redescendons vers la mer.
Bosa nous attend, lovée au bord du fleuve Temo. C’est un coup de cœur immédiat.
Ses maisons aux couleurs pastel grimpent jusqu’au château de Serravalle, tandis que la rivière serpente lentement vers la mer. Les barques reposent sur l’eau tranquille, les ruelles pavées nous entraînent dans un dédale enchanté, entre balcons fleuris, escaliers moussus et ateliers d’artisans.
À Bosa, tout invite à ralentir, à savourer. À se laisser porter.
Après cette parenthèse enchantée à Bosa, nous reprenons la route, cette fois vers l’intérieur profond de l’île.
Direction Macomer, carrefour discret au cœur de la Sardaigne. Ici, entre collines et pâturages, l’histoire affleure encore : menhirs, nuraghes et vestiges antiques parsèment la campagne. Une halte brève mais chargée de mémoire.
Nous poursuivons vers Ghilarza, un village connu pour être le berceau d’Antonio Gramsci, grand penseur sarde et italien. Sa maison natale se visite, modeste et émouvante, témoignage d’une enfance entre traditions rurales et échos d’idées révolutionnaires.
La route nous mène ensuite à Oristano, plus animé, plus urbain. La vieille ville conserve un charme discret avec ses ruelles anciennes, sa cathédrale aux allures catalanes et ses places ombragées. C’est ici aussi que l’on ressent le pouls de la Sartiglia, cette fête équestre spectaculaire qui fait vibrer la ville chaque année.
Nous bifurquons ensuite vers des bourgs plus confidentiels :
Villanova Truschedu, minuscule et paisible, entouré de champs dorés. Une église romane, simple et austère, y trône au milieu du silence.
Puis Fordongianus, connu pour ses thermes romains remarquablement conservés. Les pierres chaudes, les bassins antiques, le murmure du fleuve Tirso : tout ici évoque la permanence et la douceur de vivre.
Busachi nous accueille ensuite, village élégant aux maisons de grès rose, posées sur les pentes douces d’une colline. L’architecture traditionnelle y est préservée, et l’atmosphère respire l’authenticité rurale.
Plus loin, Sorgono, au cœur de la région du Mandrolisai, célèbre pour ses vins robustes et ses paysages ondulés. Un village de vignerons et de traditions, où les ruelles pavées racontent encore des histoires de vendanges et de fêtes paysannes.
Puis la route grimpe encore, jusqu’à Fonni, perché dans les montagnes du Gennargentu. Le plus haut village de Sardaigne.
Ici, les peintures murales foisonnent, racontant la vie dure mais fière des montagnards. Fonni respire la Sardaigne la plus authentique, la plus âpre aussi.
Un peu plus loin, Mamoiada, célèbre pour ses masques traditionnels, les « Mamuthones » et « Issohadores ». Un village qui semble vivre dans un autre temps, où les légendes et les rites ancestraux palpitent encore sous la surface. Le musée des masques nous ouvre une porte fascinante sur cet imaginaire.
Et enfin, Orgosolo.
Orgosolo, c’est un monde à part. Un village célèbre pour ses murales, ces fresques peintes sur chaque mur, racontant la lutte, la résistance, la vie quotidienne.
Marcher à Orgosolo, c’est lire la Sardaigne en images : ses joies, ses colères, ses espoirs. C’est un choc esthétique, un élan de liberté brut et coloré.
Après cette immersion intense à Orgosolo, nous poursuivons notre route vers Nuoro, cœur battant de la Barbagia.
Ville discrète mais vibrante d’âme, Nuoro est la patrie de Grazia Deledda, prix Nobel de littérature, dont la maison-musée évoque une Sardaigne intérieure, fière et rude. Le musée d’art de la province, dédié à l’identité sarde, mérite lui aussi une halte, tout comme les ruelles tranquilles où flotte un parfum d’autrefois.
À quelques kilomètres, nous atteignons Oliena, niché au pied du massif du Supramonte.
Village de pierres blondes et de vignes, Oliena est un écrin pour qui cherche la Sardaigne authentique. Le soir, nous y faisons halte. Nuit paisible sous les étoiles, enveloppés par les senteurs de myrte et de genévrier.
21 octobre 2021 – Le voyage continue vers la côte est.
Au matin, nous descendons vers Orosei, blotti entre mer et montagne.
Son centre historique dévoile ses églises baroques, ses placettes à l’ombre des orangers et ses ruelles paisibles. L’atmosphère y est douce, presque méditative. Un arrêt léger, parfumé de sel et de fleurs.
Puis cap sur Dorgali, porte d’entrée vers les merveilles naturelles du Golfe d’Orosei.
Un village d’artisans réputé pour ses bijoux en filigrane, ses poteries, et ses senteurs de pain chaud. Ici commence une autre aventure : la découverte du canyon de Gorropu.
Nous grimpons à bord d’un 4×4 pour atteindre l’entrée de l’un des plus grands canyons d’Europe, les Gola di Gorropu.
La descente est spectaculaire, le paysage se resserre, la terre devient blanche sous nos pas. Puis la marche commence, au creux des parois titanesques qui s’élèvent à plus de 400 mètres au-dessus de nous. Un monde minéral, saisissant, silencieux.
Chaque pas dans les gorges est une immersion dans une nature brute, vertigineuse.
En fin de journée, nous reprenons la route vers Baunei, village suspendu entre mer et montagne.
Baunei, c’est la promesse des panoramas infinis, des sentiers vers des criques secrètes, de cette lumière douce qui caresse les façades. Ici, le temps semble s’être arrêté, au sommet de la Sardaigne sauvage.
22 octobre 2021 – De Baunei aux terres du sud-ouest
Après une nuit calme à Baunei, bercés par les senteurs de maquis et le murmure du vent, nous redescendons vers la côte.
Notre première halte est Santa Maria Navarrese, petit village côtier aux allures de havre secret.
Sous les oliviers millénaires, face à la mer turquoise, l’église éponyme veille, simple et immuable. L’endroit respire la paix, entre ciel et mer.
Nous continuons ensuite jusqu’à Arbatax, célèbre pour ses roches rouges jaillissant de la mer comme des lames de pierre.
Mais notre curiosité nous mène ailleurs : une imprimerie abandonnée, vestige silencieux d’une époque révolue. À travers les vitres brisées, on devine encore les machines figées, les pages envolées, le parfum discret de l’encre passée.
Après la visite de l’imprimerie abandonnée d’Arbatax, nous faisons une halte au San Gemiliano Panoramic Point. De là, la vue embrasse toute la côte : le bleu intense de la mer, les plages dorées, les contours d’Arbatax et de Tortolì en contrebas. Une pause contemplative, suspendue au-dessus du monde.
Nous descendons ensuite à Tortolì, charmante petite ville au rythme nonchalant, où nous flânons quelques instants dans le centre avant de reprendre la route vers l’intérieur des terres.
Puis cap vers l’intérieur des terres, vers Gairo Sant’Elena, village reconstruit après l’abandon de l’ancien site.
Un village vivant, mais qui porte encore, dans ses murs neufs, la mémoire d’un passé fragile.
Car un peu plus loin, nous atteignons Gairo Vecchia, le vieux Gairo, village fantôme suspendu dans le temps.
Déserté après de terribles glissements de terrain, il reste là, offert aux vents, aux lichens, aux souvenirs. Nous déambulons entre les ruines, seuls, enveloppés d’un silence poignant.
La route continue, filant à travers les collines vers Barumini, haut lieu archéologique.
Ici se dresse Su Nuraxi, site classé à l’UNESCO : une forteresse préhistorique unique, témoignage mystérieux de la civilisation nuragique. Les énormes blocs de basalte entassés en tours massives impressionnent toujours autant.
Après cette plongée dans la nuit des temps, nous filons vers Villamar, petit village tranquille qui cache quelques fresques murales contemporaines.
Un arrêt rapide, juste le temps de ressentir le calme rural.
Puis San Gavino Monreale, bien plus vivant, nous accueille avec ses peintures murales éclatantes.
Ici, l’art urbain recouvre les façades, racontant à chaque coin de rue la vie, les luttes, les rêves de la Sardaigne moderne.
Quelques kilomètres plus loin, Pabillonis nous offre une pause authentique : un village agricole fier de ses traditions, notamment la poterie.
Les formes simples des maisons, la vie lente, les vieux fours de terre rappellent un autre rythme du monde.
Nous continuons ensuite vers San Nicolò d’Arcidano, modeste mais agréable, puis Guspini, un bourg marqué par l’histoire minière, que nous effleurons d’un regard avant d’atteindre notre destination du soir.
C’est à Arbus que nous nous arrêtons pour la nuit.
Ici, dans l’arrière-pays sarde, la nature reprend ses droits, entre collines ventées et senteurs sauvages. Le village est simple, accueillant, propice à un repos bien mérité après cette journée si dense.

