San Sperate, le village aux mille couleurs
A la découverte de ses murales.
Au sud de la Sardaigne, à une vingtaine de kilomètres de Cagliari, se cache un village qui n’a rien d’ordinaire. San Sperate, modeste commune agricole, s’est transformée au fil des décennies en un véritable musée à ciel ouvert. Ses ruelles étroites et ses façades colorées racontent une histoire, une identité, et surtout un projet artistique unique : celui des murales.
Aux origines : Pinuccio Sciola, l’âme du village.
Tout commence dans les années 1960 avec Pinuccio Sciola, artiste et sculpteur originaire de San Sperate. De retour de ses voyages à l’étranger, il décide d’apporter à son village un souffle créatif inédit. Inspiré par le muralisme mexicain et par les fresques engagées découvertes en Amérique latine, il lance en 1968 une première campagne de peintures murales. Ce mouvement artistique ne sera pas une simple décoration : il devient un langage, une manière pour la communauté de se réapproprier son espace.
Un musée à ciel ouvert
Aujourd’hui, on compte plus de 400 murales dans San Sperate. Elles couvrent les murs de maisons, d’ateliers, de boutiques, parfois même de jardins. Certaines sont figuratives et représentent des scènes de la vie rurale sarde : la récolte des oranges, les vendanges, les travaux des champs, les fêtes populaires. D’autres expriment des messages politiques, sociaux ou poétiques. Beaucoup sont signées par des artistes sardes, mais aussi par des peintres venus du monde entier, attirés par cette expérience communautaire.
Une balade immersive
Flâner dans les ruelles de San Sperate, c’est comme feuilleter un livre sans fin. Chaque mur raconte une page de l’histoire du village et de la Sardaigne contemporaine. On passe d’une fresque célébrant la lutte ouvrière à une peinture douce représentant une grand-mère en costume traditionnel. À chaque coin de rue, une surprise.
Certains habitants ouvrent même leurs portes pour montrer des fresques intérieures ou des jardins décorés, perpétuant l’esprit d’accueil et de partage qui a fait naître le mouvement.
Le son des pierres
San Sperate ne se limite pas à la peinture. Le village est aussi marqué par les fameuses « pierres sonores » de Pinuccio Sciola : de grandes sculptures en calcaire ou en basalte, que l’artiste travaillait pour en extraire une musicalité. Lorsqu’on les frotte ou qu’on les caresse, elles émettent des vibrations surprenantes, comme un instrument venu d’un autre monde. Une expérience sensorielle qui relie encore davantage art, nature et territoire.
Un symbole de la Sardaigne vivante
Les murales de San Sperate ne sont pas de simples ornements. Elles traduisent une volonté : celle de garder vivante la mémoire du village, de ses luttes, de ses traditions, tout en restant ouvert au monde. C’est cette dimension collective, profondément enracinée dans le tissu social, qui fait de San Sperate un lieu unique en Sardaigne.
