Suni, balcon sur la Planargia
Suni fait partie de ces lieux que l’on découvre sans attente particulière et que l’on quitte avec l’étrange sensation d’avoir touché quelque chose d’essentiel.
La route grimpe doucement depuis Bosa. En quelques virages, la mer s’efface derrière les collines, comme si elle avait décidé de nous laisser seuls avec l’intérieur des terres. Le paysage s’ouvre alors sur la Planargia : champs, vignes, oliviers, reliefs tranquilles. Une Sardaigne plus discrète, plus intérieure.
Suni apparaît, posé sur son promontoire. Un village de pierre, calme, presque immobile.
À Suni, rien ne presse. Les ruelles étroites serpentent entre les maisons sombres, patinées par les saisons. On marche lentement, non par obligation, mais parce que le lieu impose son rythme. Ici, le silence n’est pas vide : il est habité.
Depuis les hauteurs du village, le regard plonge sur la vallée du Temo. Les collines ondulent jusqu’à l’horizon, et l’on comprend pourquoi Suni est souvent décrit comme un balcon sur la Planargia. Un balcon sans rambarde, ouvert sur un paysage qui semble respirer.
Une mémoire bien plus ancienne que le village
Suni n’est pas seulement un village, c’est un territoire habité depuis des millénaires. Autour du bourg, la campagne conserve des traces bien plus anciennes, notamment les nuraghes de Nuraddeo.
Ces structures de pierre, typiques de la civilisation nuragique, se dressent encore dans le paysage, parfois dissimulées par la végétation, parfois pleinement visibles. Elles rappellent que bien avant les ruelles, les églises et les murales, ces collines étaient déjà observées, défendues, vécues.

Les Nuraddeo ne sont pas des monuments mis en scène. Ils s’intègrent au relief, comme s’ils en faisaient partie depuis toujours. Les approcher, c’est mesurer le temps long de la Sardaigne, celui qui dépasse largement l’échelle du village.
Au cœur du village, cette continuité du temps se lit aussi dans ses édifices religieux. La chiesa di San Pancrazio, construite au XIIᵉ siècle, incarne la sobriété romane sarde : pierre locale, façade épurée, lumière contenue. Un lieu de recueillement sans emphase, profondément enraciné dans la vie du village.












Non loin de là, l’église Santa Maria della Neve apporte une tonalité différente, plus douce. Dédiée à la Vierge, elle occupe une place importante dans la mémoire collective de Suni. Plus récente que San Pancrazio, elle est associée aux fêtes religieuses et aux moments partagés, lorsque le village se rassemble et que le silence se peuple de voix.


Santa Maria della Neve n’impressionne pas par son architecture, mais par ce qu’elle représente : une église de proximité, de protection, de lien. Elle complète San Pancrazio comme le présent complète le passé.
En levant les yeux, Suni dévoile une autre facette de son identité : ses murales.
Elles ne sautent pas au visage. Elles se découvrent au fil de la marche, au détour d’une ruelle, sur la façade d’une maison. Des scènes de vie, des figures humaines, des évocations du monde rural et de la mémoire collective. Rien de spectaculaire, mais beaucoup de justesse.
Les murales de Suni ne cherchent pas à transformer le village. Elles s’y inscrivent. Elles dialoguent avec la pierre, prolongent le silence plutôt que de le rompre. Ici, l’art mural n’est pas une attraction, c’est une respiration.




Suni ne se coche pas sur une liste. Il se traverse, il s’observe, il se ressent. C’est une étape de transition, un lieu qui prépare à la suite du voyage, qui met le regard au bon niveau avant d’aller plus loin.
En quittant le village, la route ondule entre champs et oliviers. On jette un dernier regard vers les maisons de pierre, puis un panneau surgit un peu plus loin, presque naturellement :
Tinnura.
👉 Un autre village. D’autres murs. Une autre manière de raconter la Sardaigne.




