
L’auberge fantôme d’Olbia
Un rêve de jeunesse figé dans le béton
On l’aperçoit à peine. Pourtant, il est là. Massif, muet, comme camouflé dans le paysage. Celui qui emprunte la Via Loiri, en entrant ou en quittant Olbia, ne le remarque souvent pas. Et pourtant, c’est un géant. Un géant extraterrestre posé au milieu de la campagne, oublié de tous.
Ce matin-là, avec Réglisse, on roulait à l’instinct. Aucune destination précise. Juste cette envie de longer la mer, de suivre le ciel. Et soudain, au détour d’un virage, cette masse étrange. Deux grands bâtiments aux lignes modernes, divisés en ailes comme des bras ouverts, aux larges verrières tournées vers le soleil. Une auberge de jeunesse, disions-nous d’abord. Puis très vite : une auberge de jeunesse abandonnée.
Un projet lumineux… sur le papier
Le lieu avait de l’ambition. Construit dans les années 1990, il devait accueillir les jeunes voyageurs de passage à Olbia. Un symbole d’ouverture, de liberté, d’énergie. L’architecture épurée, la dominante de blanc, l’usage intensif du verre dans les toits et les fenêtres, tout cela visait à créer un espace lumineux, en continuité avec l’environnement.
« Un design léger où la sécurité se combine avec l’élégance des lignes et des nouveaux matériaux. »
C’était écrit noir sur blanc dans les documents de l’époque.


Une utopie architecturale. Un manifeste pour la jeunesse. Mais qui n’a jamais vu le jour.
On s’est garés à l’entrée, le long d’une barrière à moitié arrachée. La nature a repris ses droits. Herbes folles, gravats, silence. Avec Réglisse, on est partis à la découverte.
À l’intérieur, les grands espaces sont encore baignés d’une lumière douce. Le verre tient toujours, par endroits. Les escaliers desservent des couloirs désertés. Ici, des graffitis colorés habillent les murs. Là, des canettes rouillées, des matelas éventrés. La trace de ceux qui ont dormi ici, squatté, erré. Le contraste est saisissant : entre l’élégance volontaire du bâtiment et la brutalité de ce qu’il est devenu.


« L’humanité a habité ces lieux, mais jamais celle qu’on espérait. »
Ce lieu m’a bouleversé. Il est tout sauf neutre. Il raconte l’histoire d’un échec, mais aussi celle d’un espoir. Il parle de projets trop grands, de budgets mal gérés, de rêves figés dans le béton. Mais il parle aussi de lumière, d’ambition, de jeunesse. Il reste debout, malgré tout. Et il continue à accueillir – à sa manière – les marginaux, les curieux, les photographes, les rêveurs.

Nous avons pris le temps de faire le tour. De ressentir l’étrangeté. Il n’y avait personne, seulement le vent qui entrait doucement par les baies ouvertes. Il ne restait rien d’autre à faire que de partir, en silence, avec ce lieu désormais ancré en nous.
Infos pratiques pour les curieux
- Localisation : Via Loiri, à quelques minutes de l’aéroport d’Olbia.
- Accès : Le site est accessible, bien que non officiel. Il faut rester prudent (bâtiment délabré).
- À voir : L’architecture unique, les jeux de lumière, les graffitis, l’ambiance étrange.
- À éviter : Entrer seul, ou sans éclairage si tu y vas en fin de journée.
