Faro,  Urbex Portugal

Le Palacete da Fonte da Pipa

Un joyau oublié de Loulé

Dans les hauteurs tranquilles de Loulé, au cœur de l’Algarve, se dresse un palais discret et oublié : le Palacete da Fonte da Pipa. En juillet 2012, au détour d’un après-midi brûlant, alors que le soleil écrasait les collines dorées, Inutile de mentionner l’entrée, la propriété est entièrement ouverte.


Un vieil homme nous aborde calmement. Il travaillait ici, autrefois, comme directeur de la ferme. Son regard se perd dans les souvenirs : les réceptions, les jardins bien entretenus, les couleurs vives d’un Portugal en fête. Il nous raconte avec douceur la splendeur du passé, les murs peints, les jardins animés. Puis il s’éclipse, et le silence reprend ses droits.


Le palais aujourd’hui : silence et beauté fanée

Le Palacete da Fonte da Pipa, bien que partiellement accessible par quelques fenêtres entrouvertes ou portes mal fermées, garde encore son âme.

L’intérieur est en mauvais état, les infiltrations d’eau visibles, les détritus présents. Mais la structure tient. Les fresques murales, bien que parfois souillées, sont étonnamment intactes. Les plafonds peints en trompe-l’œil laissent imaginer des préaux aérés, des jardins intérieurs baignés de lumière, envahis aujourd’hui par le lierre.

On y croise des azulejos charmants, certains à thème agraire, d’autres représentant un gentilhomme du XVIIIe siècle, fleuret à la main. Le décor est éclectique, mêlant gothique, mauresque, art brut. Une cheminée en forme de minaret, des bancs de mosaïque surréalistes, des arcs brisés – tout cela cohabite dans une harmonie curieusement élégante.


Le jardin : une poésie en ruines

À l’extérieur, le jardin rocaille s’étend comme une toile vivante d’abandon et de poésie. Ponts courbés, arbres affaissés, bassins vides, végétation dévorante. Loin d’être sinistre, le lieu évoque la mélancolie joyeuse des étés révolus. On devine les allées ombragées, les rires dans les fontaines, les instants de fraîcheur entre deux repas opulents.


Une histoire de rêves non vécus

Le palais fut construit entre 1878 et 1897 par Marçal de Azevedo Pacheco, politicien et homme d’affaires de Loulé. Inspiré par ses voyages en Europe du Nord, il souhaitait ériger un lieu d’exception. L’architecte José Verdugo, déjà connu pour le marché de Loulé, et le décorateur Pereira Cao, qui travailla au Palais d’Ajuda à Lisbonne, furent sollicités.

Mais le rêve tourna court. Marçal de Azevedo Pacheco mourut un an avant la fin des travaux. Il ne vivra jamais dans le palais qu’il avait rêvé. En 1920, la propriété est vendue à Manuel Dias Sancho, riche banquier qui fait électrifier les lieux. À sa mort, le bien est légué à son fils, puis vendu, loué, et finalement abandonné quelque part autour des années 2000.

Les raisons exactes de cet abandon restent floues. En 2010, un sursaut : une exposition d’art africain occupe temporairement les lieux. Depuis, plus rien.

Une mémoire en suspens

Non loin du palais, une petite communauté gitane vit dans un bâtiment adjacent également abandonné. Le contraste entre la misère contemporaine et la grandeur passée souligne l’oubli dans lequel ce lieu est tombé.

Et pourtant, malgré les tags, malgré les ordures, le Palacete da Fonte da Pipa continue de murmurer. Il n’a pas dit son dernier mot. Peut-être, un jour, renaîtra-t-il de ses pierres. En attendant, il hante nos souvenirs comme un rêve éveillé. Une parenthèse de beauté abandonnée au cœur de l’Algarve.