Bosa

Les bunkers oubliés de Bosa et des plages de Turas

À Bosa, la guerre semble n’avoir laissé qu’une ombre légère. Entre les maisons pastel, le Castello Malaspina qui surveille le Temo depuis son éperon, et les ruelles tranquilles de Sa Costa, on imagine difficilement que cette portion de côte fut, il y a à peine quelques décennies, un véritable chapelet de positions défensives. Et pourtant, de 1940 à 1943, alors que l’Italie fasciste redoutait un débarquement allié, Bosa fut convertie en un discret mais réel système fortifié.


Un littoral sous surveillance

Les forces italiennes mirent en place une série d’emplacements anti-débarquement, destinés à prévenir tout assaut amphibie.Le principe était simple : surveiller toutes les entrées possibles sur le littoral bosanais. Le résultat fut… foisonnant.
On recense ainsi des bunkers :

  • À Isola Rossa, Vidéo ci-dessous.
  • À l’embouchure du Temo, point hautement stratégique : qui contrôle le fleuve, contrôle l’accès à la ville.
  • Le long de la SS129, en direction de Macomer, où plusieurs positions dominaient la route.
  • Sur les collines environnantes qui offrent une vision panoramique difficile à surprendre.

À cela s’ajoutent de petites structures littorales disséminées dans presque toutes les criques, autant d’yeux rivés vers la mer : de la plage de Turas à la plage de Bosa, puis au nord vers Cala del Moro et Cala Rapina, dont les reliefs escarpés constituaient des postes naturels de surveillance.


À Isola Rossa, juste sous la tour espagnole et non loin du mémorial dédié aux victimes de Céphalonie.

📍 → Point de localisation


L’architecture : la dôme attitude

La structure la plus courante était la casemate circulaire en forme de dôme.
Robuste, compacte, peu coûteuse et surtout facile à camoufler dans le paysage, elle remplissait parfaitement sa mission de silence et de discrétion.
Ces casemates étaient généralement dotées :

  • d’une entrée unique, parfois protégée par un décrochement de béton ;
  • de plusieurs embrasures permettant une vision à 180°, souvent orientées vers la mer ;
  • d’un intérieur spartiate, prévu pour abriter quelques hommes et leur armement.

On trouve également des variantes plus imaginatives : certains bunkers furent dissimulés en bâtiments civils, pour tromper d’éventuels observateurs ennemis ; d’autres furent installés dans des constructions déjà existantes mais positionnées à des points stratégiques. L’ensemble forme aujourd’hui une mosaïque d’ouvrages très différents, parfois étonnamment bien préservés.


Les blockhaus aujourd’hui : entre balade et mémoire

Le charme de ces vestiges tient à leur paradoxale modestie. On n’est ni à Omaha Beach, ni sur les falaises de Trieste. Ici, les bunkers semblent parfois se cacher pour ne pas déranger. Ils émergent d’un maquis dense, se glissent entre deux rochers, ou se fondent contre un pan de falaise comme s’ils avaient honte d’avoir servi à la guerre.
Pour le promeneur curieux, c’est l’occasion de :

  • longer les plages de Turas et de Bosa en observant les petites silhouettes de béton qui surveillent encore l’horizon ;
  • explorer Cala Rapina et Cala del Moro, où les ouvrages se mêlent au relief sauvage ;
  • remonter le Temo jusqu’à repérer les casemates camouflées qui veillaient sur le fleuve.

Chaque bunker raconte, à sa façon, la tension d’un pays qui se préparait à une invasion qui n’arriva jamais.
Et bien que ces constructions n’aient jamais tiré un seul coup de feu décisif, elles témoignent de la manière dont la Sardaigne, pourtant éloignée des combats directs, fut intégrée dans la logique défensive de la Seconde Guerre mondiale.


Une balade patrimoniale à ciel ouvert.

Aujourd’hui, ces blockhaus constituent un patrimoine discret, rarement signalé, parfois englouti par la végétation, mais qui enrichit la balade de celui qui sait où regarder. Ils rappellent que Bosa n’est pas seulement une carte postale : c’est une ville aux strates multiples, où l’histoire se superpose lentement aux couleurs et au soleil.


Et avouons-le : il y a quelque chose de délicieusement ironique à voir ces ouvrages de guerre transformés en refuges pour lézards, en repères de randonneurs… ou en perchoirs idéals pour prendre une photo du coucher de soleil sur la plage de Turas.
Les bunkers n’ont jamais été aussi pacifiques.