Jaganta

Pose des compteurs

Le lendemain, place à l’action. Direction la mairie de Las Parras de Castellote pour récupérer la grande clé qui permet de fermer la vanne principale. Ensuite, de retour à Jaganta, on s’attaque à la tâche : creuser, chercher les tuyaux, ouvrir une tranchée, raccorder, poser le compteur, et enfin rouvrir la vanne.

Et là, l’eau jaillit. Un moment simple, mais émouvant. Une ruine encore, oui, mais désormais une maison reliée au monde, prête à renaître.

Après l’eau, place à l’électricité. On part en chasse du moindre câble qui pourrait encore alimenter la maison. Au bout d’une bonne demi-heure, bingo : dans un recoin sombre du rez-de-chaussée, deux fils poussiéreux surgissent, coiffés de dominos en porcelaine. On teste… et le jus passe ! Pas de compteur, certes, mais le courant circule.

Direction la mairie, encore une fois : on rapporte la clé des vannes et on se renseigne sur la pose d’un compteur électrique.

Ce ne sera sans doute pas pour demain… mais qu’importe. L’eau coule et la lumière est là. Notre ruine respire à nouveau.
Nous retournons à notre maison, dont la moitié est déjà à l’abri, et là, tous les trois, debout entre les pierres, nous trinquons avec notre première bière. Une gorgée fraîche, le goût simple de la satisfaction. Un instant de bonheur brut, partagé face au travail accompli, et à tout ce qui reste à inventer.

Après cette première bière bien méritée, nous faisons un petit arrêt au bar associatif du village. Une ambiance simple et chaleureuse, quelques habitués qui nous saluent, un peu de fraîcheur à l’ombre et des discussions tranquilles autour d’un verre. Le genre d’endroit où l’on se sent vite chez soi.


Puis, nous rentrons chez Carmen, souriante comme toujours, prête à partager la soirée avec nous.

Pour la remercier, nous l’invitons à dîner à l’hôtel-restaurant 3 étoiles de Castellote. Une belle bâtisse rénovée avec goût, qui mêle charme rustique et confort moderne. Le restaurant, réputé dans toute la région, célèbre la cuisine du terroir : agneau rôti, charcuteries maison, fromages locaux, huile d’olive du Bas-Aragon, et même une côte de bœuf fondante à souhait. Le tout à un prix défiant toute concurrence. Dans cette ambiance chaleureuse, autour d’une bonne table, la journée s’achève en beauté.


Les prochains jours furent consacrés à avancer le plus possible sur notre ruine. Quelques allers-retours jusqu’à Mas de las Matas pour acheter les matériaux de base : parpaings, ciment, sable… Le chantier prenait forme, lentement mais sûrement.
Le gros du travail, je dois bien l’avouer, je l’ai fait seul. Guillaume et Brice semblaient préférer les siestes à l’ombre et les apéros du soir aux efforts sous le soleil. Ils plaidaient la chaleur. Je pencherais plutôt pour l’appel de la fête – ce qui, au fond, fait aussi partie de l’aventure. Rien de méchant, simplement une ambiance de vacances un peu décalée autour d’un chantier bien réel.

Mais au bout de trois semaines, la parenthèse s’est refermée plus brusquement que prévu : un parpaing mal tombé sur ma cheville m’a contraint à raccourcir le séjour. Forcément frustrant, mais…

Jaganta, on reviendra.

Car ces trois semaines, malgré tout, ont été fondatrices. On a remis l’eau, retrouvé l’électricité, partagé des bières, des rires, des galères et des repas. La ruine n’en est déjà plus une tout à fait. C’est le début d’une histoire, celle d’un lieu qu’on reconstruit à notre image. Pied à pied, pierre à pierre.