Narbonne

Repenser l’histoire : Poitiers ou Narbonne, qui a vraiment stoppé l’avancée musulmane ?

À l’école on m’a enseigné que la bataille de Poitiers de 732, remportée par Charles Martel contre les troupes musulmanes, a marqué la fin de la tentative de conquête musulmane en France.

Cette interprétation est simplifiée et ne reflète pas la complexité des événements qui ont suivi.

En réalité, Narbonne a joué un rôle tout aussi important, voire plus déterminant, dans l’arrêt de l’expansion musulmane en Gaule. Voici pourquoi :

1. Après la bataille de Poitiers (732)

La bataille de Poitiers a effectivement stoppé l’avancée des forces omeyyades plus au nord, mais les musulmans n’ont pas immédiatement quitté la France après cette défaite. Les forces musulmanes se sont repliées dans la région de Septimanie (l’actuel Languedoc), où elles avaient déjà établi des bases, notamment à Narbonne, qui était tombée sous leur contrôle en 719.

2. Narbonne, un bastion musulman jusqu’en 759

Narbonne, rebaptisée Arbunah, est restée une base solide des musulmans en Gaule pendant plusieurs décennies après la bataille de Poitiers. En fait, la ville a été un centre névralgique de leur occupation dans le sud de la France. Elle était capitale du Wâli de Septimanie, une province dépendante du Califat omeyyade d’Al-Andalus. Cette position géographique leur permettait de lancer des raids sur les terres des Francs et d’affermir leur contrôle sur le sud.

Ce n’est qu’en 759, soit près de trois décennies après Poitiers, que Pépin le Bref, le fils de Charles Martel, réussit à reprendre Narbonne. Cette reconquête fut un tournant décisif, car elle marqua la fin de la présence musulmane durable en Gaule. Narbonne était un bastion stratégique, et sa reprise par les Francs scella l’arrêt définitif de l’expansion musulmane au nord des Pyrénées.

3. L’importance stratégique de Narbonne

D’un point de vue militaire et historique, on peut donc dire que Narbonne, plutôt que Poitiers, fut la véritable clé de voûte qui mit fin à l’installation musulmane durable en Gaule. Si la bataille de Poitiers a freiné leur avancée vers le nord, la chute de Narbonne en 759 fut l’événement qui marqua la fin de leur présence politique et militaire dans cette région.

4. Une occupation souvent méconnue

Cette occupation musulmane dans le sud de la France est souvent moins mise en avant dans les manuels d’histoire, mais elle est attestée par des découvertes archéologiques, notamment des pièces de monnaie frappées au nom de Narbonne sous domination omeyyade. Les sources médiévales mentionnent aussi que, malgré la présence musulmane, les populations locales ont généralement été épargnées, ce qui explique en partie la relative intégration de certaines familles musulmanes même après leur défaite.

Conclusion

Ainsi, la déclaration selon laquelle les musulmans auraient « fui » la France après la bataille de Poitiers est incorrecte. Narbonne, en tant que base de peuplement et d’installation, a constitué une tête de pont pour la présence musulmane en Gaule pendant près de 40 ans après Poitiers. Ce n’est qu’avec la reprise de Narbonne en 759 par Pépin le Bref que l’expansion musulmane en Occident chrétien fut véritablement stoppée.