Les temples de Kuala Lumpur

Thean Hou Temple Kuala Lumpur Malaisie

Après la visite du Kuil Sri Krishna, des rues animées de Brickfields et du Sri Kandaswamy Temple, nous avons décidé – dans un élan de courage teinté d’optimisme tropical – de rejoindre le Thean Hou Temple à pied. Une marche sous le soleil de Kuala Lumpur, ponctuée d’effluves d’épices, d’encens et d’un ou deux arrêts stratégiques pour s’hydrater. Rien de tel pour se mettre dans l’ambiance avant d’atteindre ce sanctuaire perché, véritable phare spirituel dominant la ville.


Le temple Thean Hou est l’un des plus importants sanctuaires bouddhistes de la capitale. Dédié à Mazu, la déesse chinoise de la mer, protectrice des marins, des voyageurs… et, par extension, de tous ceux qui marchent courageusement sous 32 degrés. Achevé en 1987, il marie avec brio les influences taoïstes, bouddhistes et confucéennes. Cette hybridation n’est pas un simple mélange décoratif : elle reflète la manière dont la communauté chinoise de Malaisie a fait cohabiter traditions anciennes et modernité métissée.


À mesure que l’on gravit les marches vers l’esplanade principale, les six niveaux du temple se déploient comme les chapitres successifs d’un roman spirituel. Les toits ornés de dragons, les lanternes rouges suspendues par centaines et les bas-reliefs minutieusement sculptés donnent immédiatement le ton : ici, l’esthétique n’est pas un accessoire, elle fait partie de la prière. L’ensemble dégage un équilibre étonnant, presque chorégraphié.


Une fois à l’intérieur, la statue majestueuse de Mazu trône au centre du sanctuaire. À ses côtés, ses deux fidèles acolytes :
Qianliyan, l’Œil qui voit à mille lieues,
Shunfeng’er, l’Oreille qui entend le moindre souffle.


Un trio protecteur qui, visiblement, ne laisse pas grand-chose passer. On comprend mieux pourquoi les fidèles viennent y déposer leurs prières, souvent liées au voyage, aux études ou à la prospérité familiale.

Lors de notre visite en novembre 2019, nous avons été frappés par la sérénité du lieu. Kuala Lumpur bourdonnait autour de nous, mais le temple semblait flotter au-dessus de la ville comme une enclave de calme suspendue. Le bruit des klaxons disparaissait, remplacé par le murmure du vent dans les lanternes. Un contraste presque théâtral, mais d’un charme irrésistible.

Depuis la terrasse supérieure, la vue sur la skyline est saisissante. Les gratte-ciel s’élancent à l’horizon, encadrés par les dragons en céramique, comme si les deux mondes – l’ancien et le contemporain – discutaient paisiblement depuis des décennies.

Le Thean Hou Temple est également très apprécié pour les mariages traditionnels chinois. Les couples y défilent, parés de rouge et d’or, pour immortaliser leur union sous les lanternes et les toits vernissés. Les jardins environnants ajoutent une touche de douceur : bonsaïs sculptés, statues du zodiaque chinois et un petit étang invitent à prolonger la déambulation.


Le saviez-vous ?

1. Une déesse née de la légende maritime
Mazu, dont le nom signifie « Mère Ancienne », serait une jeune femme du XIᵉ siècle originaire de l’île de Meizhou. Dotée d’un don de clairvoyance, elle sauvait les pêcheurs en mer grâce à des visions. Après sa mort, elle fut divinisée et devint la protectrice des navigateurs. Aujourd’hui encore, elle est vénérée à travers toute l’Asie.

2. Un temple “interconfessionnel” à la chinoise
Le Thean Hou Temple rassemble trois courants spirituels (taoïsme, bouddhisme, confucianisme). En Malaisie, cette cohabitation est perçue comme naturelle, presque évidente. Une spiritualité à géométrie variable, mais parfaitement assumée.

3. Un lieu vivant toute l’année
Le temple s’anime particulièrement lors de :
la fête de Mazu, célébrée au printemps,
le Nouvel An chinois, où l’esplanade se transforme en marelle lumineuse de lanternes,
la fête des lanternes (Chap Goh Mei), clôture du Nouvel An.
À ces occasions, danses du lion, processions et pétards transforment le sanctuaire en scène vibrante.

4. Un horoscope grandeur nature
Au rez-de-chaussée, on trouve un vaste espace dédié aux signes du zodiaque chinois. Photo obligatoire pour vérifier si, par hasard, l’astrologie locale n’aurait pas une petite recommandation à vous souffler.


Après avoir quitté les hauteurs tranquilles du Thean Hou Temple, nous avons laissé derrière nous les lanternes rouges et la sérénité suspendue pour revenir peu à peu dans la vie bien réelle de Kuala Lumpur. Et comme toute immersion spirituelle mérite une pause terrestre (et solidement gastronomique), nous avons mis le cap sur le Robson Heights Seafood Restaurant, un petit bijou niché près de Mid Valley.

L’adresse est discrète, presque confidentielle, mais l’assiette, elle, ne l’est pas. Le calamar aux œufs salés y devient une arme de séduction massive, le porc rôti au chou kale une petite révélation croustillante, et le venison, servi avec sobriété, confirme que la cuisine malaise sait surprendre sans en faire trop. Quant au riz frit, il a ce talent rare de disparaître à une vitesse qui laisse penser qu’un convive invisible se serait joint à nous. Le tout pour des prix franchement raisonnables : un bonheur simple, comme on les aime en fin d’après-midi.

Repus – disons même légèrement fiers de notre performance – nous avons repris notre exploration urbaine en déambulant dans Little India Brickfields. Saris éclatants, odeurs d’épices flottant dans l’air chaud, petites échoppes bavardes et musique tamoule qui déborde joyeusement des boutiques : un festival sensoriel parfaitement orchestré, dont seul Kuala Lumpur a le secret.

Puis, constatant que nos jambes commençaient à négocier un accord bilatéral avec la fatigue, nous avons hélé un Grab, l’uber asiatique au sourire efficace, pour terminer la journée dans une autre dimension culturelle. Direction la mosquée Masjid Jamek Kampung Baru, dont la douceur architecturale contraste avec l’effervescence du quartier. De là, nous avons glissé vers le Chow Kit Market, son énergie brute, ses étals débordants, ses parfums francs, et son ambiance de marché vivant, presque viscéral.

Et comme il fallait bien conclure cette journée riche en contrastes, en marches, en couleurs et en odeurs, c’est au temple sikh Tatt Khalsa Diwan Gurdwara que nous avons posé nos pas et nos pensées. L’accueil y est apaisant, les voix des fidèles résonnent avec une sincérité désarmante, et la sérénité des lieux offre un parfait contrepoint à la vivacité de Chow Kit. Une manière idéale de fermer la parenthèse de cette journée plurielle, où Kuala Lumpur nous aura montré, encore une fois, sa capacité unique à faire cohabiter le tumulte et la paix en un seul souffle.

Leave a Reply