La Sardaigne

Capo Testa Sardaigne

À peine débarqués en Sardaigne, nous avons pris la route, encore grisés par la traversée. L’air sentait déjà le sel et le maquis. Nous avions hâte de voir ce que l’île avait à nous offrir.
Le hasard – ou peut-être un pressentiment – nous a menés droit vers Capo Testa.

Dès les premiers mètres, nous avons ralenti. Le paysage semblait irréel. Devant nous, un monde figé et chaotique s’étendait : des rochers énormes, polis, déchirés, sculptés, dressés au milieu d’une végétation basse, rase, parfumée. Certains semblaient représenter des animaux, d’autres des visages. Un lion ici, un profil d’homme là, et partout autour, des formes étranges, comme sorties d’un rêve.
L’érosion avait fait œuvre d’artiste pendant des millénaires, et nous étions ses spectateurs émerveillés.

À chaque virage, la mer apparaissait, tantôt bleu nuit, tantôt turquoise éclatant. Là-bas, au loin, la silhouette de Bonifacio flottait au-dessus de ses falaises blanches, comme un mirage suspendu au-dessus de la mer.


Nous nous sommes arrêtés souvent, incapables de résister à l’envie d’explorer les coins cachés, de grimper sur les rochers, de toucher la pierre chaude et rugueuse.

À mesure que nous avancions vers le bout du promontoire, le décor devenait plus sauvage encore. Les falaises abruptes tombaient dans une mer cristalline, limpide comme du verre. Quelques criques minuscules se laissaient deviner, isolées, parfaites pour un bain loin du monde.

Tout en haut, dominant ce théâtre de pierre et de vent, le phare de Capo Testa se dressait, solitaire. Blanc sous le soleil, il semblait veiller sur ce chaos immobile, guidant depuis le XIXe siècle les marins égarés dans les courants traîtres du détroit de Bonifacio.

Non loin du phare, caché derrière quelques buissons tordus par le vent, un vieux cimetière reposait, oublié. Les tombes anciennes, rongées par le sel, s’entremêlaient aux herbes folles. Il régnait là une paix étrange, une mélancolie douce, comme si le temps lui-même avait décidé de s’arrêter.

Et partout, la nature résistait : des genévriers aux formes invraisemblables, des touffes de myrte, des fleurs minuscules accrochées aux fissures du granit. Le vent emportait des senteurs d’iode et de résine. Nous avons marché longtemps, fascinés, respirant à pleins poumons cette beauté brute, farouche.


La Vallée de la Lune : un autre monde

Mais Capo Testa cache aussi un autre trésor, plus secret encore : la Vallée de la Lune (Valle della Luna).
En s’enfonçant dans les sentiers au milieu des rochers, on découvre une succession de vallées isolées, entourées de falaises de granit et ouvertes sur la mer.

Depuis les années 1960, la Vallée de la Lune est devenue un refuge pour les communautés hippies attirées par l’énergie mystérieuse du lieu.
Sous les grands blocs de granit, des abris naturels ont été aménagés : cabanes de pierre, petits jardins, fresques peintes sur la roche…
Le silence ici est presque sacré, seulement rompu par le chant du vent et le murmure des vagues.

La lumière, la nuit, y est irréelle : la pleine lune éclaire les rochers d’une pâleur fantomatique, accentuant encore l’impression d’avoir quitté la Terre pour quelque planète oubliée.

Aujourd’hui encore, malgré le passage du temps, la Vallée de la Lune reste un symbole de liberté et de vie alternative, attirant voyageurs, rêveurs et âmes nomades.

Tout autour, la nature règne en maître.
Les plantes méditerranéennes — genévriers torturés, cistes blancs, romarins en fleurs, lavandes sauvages — s’accrochent aux failles du granit.
À chaque pas, nous sentons sous nos pieds la poussière dorée des sentiers, l’odeur chaude des herbes séchées, et le souffle salé du vent venu de la mer.

À Capo Testa, le temps semble suspendu.
Le regard se perd dans l’infini des paysages, et l’âme, un instant, oublie tout le reste.

Capo Testa fut notre première émotion sarde. Un choc. Un éblouissement minéral.
Nous n’étions qu’au début du voyage, mais déjà, nous savions que cette île allait nous parler au cœur.


À Capo Testa, le vent raconte des histoires vieilles de mille ans.
Les rochers, façonnés par le temps, gardent en silence la mémoire des tempêtes.
Sous un ciel immense, la mer murmure à l’infini, et nous, voyageurs éphémères, ne pouvons qu’écouter.


Capo Testa – Fiche pratique

  • Localisation : Capo Testa est situé à l’extrême nord de la Sardaigne, à quelques kilomètres de Santa Teresa Gallura. Il forme une presqu’île reliée à la terre par un étroit isthme de sable.
  • Accès : Depuis Santa Teresa, on y accède facilement en voiture ou en scooter (environ 5 km). Il est également possible d’y aller à pied pour les amateurs de randonnée, en suivant des sentiers balisés.
  • Particularités :
    • Paysages spectaculaires : chaos de roches granitiques sculptées naturellement par l’érosion.
    • Nombreuses petites criques aux eaux cristallines parfaites pour la baignade.
    • Panoramas sur les falaises de Bonifacio, en Corse.
    • Richesse botanique du maquis méditerranéen (myrte, romarin, ciste, genévriers).
  • Le Faro di Capo Testa :
    • Phare construit en 1845, toujours en activité.
    • Position stratégique pour le passage maritime entre la Sardaigne et la Corse.
    • Peut être approché à pied (mais il ne se visite pas à l’intérieur).
  • Le petit cimetière :
    • Ancien cimetière marin discret, situé non loin du phare.
    • Atmosphère paisible et légèrement mélancolique.