Urbex Sardaigne

Concession Locci abandonnée

Franco Locci : la carcasse d’un monde disparu
Macomer, Sardaigne – octobre 2021

Sur la route entre Bosa et l’intérieur de l’île, en approche de Macomer, un bâtiment attire notre regard. Une structure vitrée, en retrait, presque noyée dans la végétation, au bord d’un terrain vague. Ancienne concession automobile. Sur le fronton délavé, on devine encore un nom : Franco Locci.

On s’arrête. On entre.

Le silence est pesant, à peine troublé par les battements d’ailes des pigeons perchés dans les poutres. Une épaisse couche de poussière couvre tout. Des rouleaux de reçus sont éparpillés au sol, comme des banderoles fanées d’un carnaval oublié. Ce n’est pas un décor : c’est un naufrage.

Partout, des restes. Paperasses, boîtes à outils, pièces détachées, étagères tordues, bureaux défoncés. Rien n’a été rangé, ni même vidé. Le lieu a été quitté en vrac, comme si tout s’était figé un jour sans préavis. Le sol colle, les vitres sont opaques, le chaos règne.

Dans l’atelier de peinture, ce sont les couleurs qui prennent le dessus. Des échantillons rectangulaires sont éparpillés, comme de gros confettis. Malgré les années, l’odeur âcre de solvants flotte toujours, tenace. Elle ne quitte pas les murs.

Et puis, au détour d’une ouverture, un choc visuel : une locomotive. Ou ce qu’il en reste. Une masse de ferraille imposante, décharnée, comme posée là en souvenir. Elle évoque la puissance d’autrefois, la force industrielle, la modernité d’un temps révolu. Elle semble incongrue, presque mythique, au cœur de cet espace délabré.

On ne sait pas exactement quand Franco Locci a fermé ses portes. Mais ici, tout parle d’un effondrement. D’une époque où les concessions étaient des vitrines du progrès, et où le moteur thermique régnait en maître. Aujourd’hui, il ne reste que des traces, des odeurs, et un vertige.

Nous repartons, curieux, pensifs. Ce genre de lieux raconte autrement l’histoire de la Sardaigne moderne : celle de l’automobile, de l’industrialisation, puis du retrait. Ce n’est ni une ruine antique ni un musée. C’est un témoin brut. Et dans son désordre, il dit tout.