Canal du midi

L’aqueduc Romain d’Azille

Un géant oublié au cœur du Minervois

Si l’on s’écarte un instant du canal du Midi, à proximité du château de Jouarres, on découvre un autre ruban d’eau, bien plus ancien, oublié des guides et des circuits touristiques. Dans les vignes, à quelques pas seulement de l’ouvrage moderne du XVIIᵉ siècle, se déploie l’aqueduc romain d’Azille. Non pas une petite construction à deux arches, comme on le lit parfois, mais un véritable géant de pierre qui aligne plus de trente arcs en plein cintre sur plusieurs centaines de mètres.

Un aqueduc antique au milieu des vignes

L’aqueduc d’Azille apparaît au détour d’un chemin, posé dans le paysage comme une ligne de pierre ajourée. Ses arches régulières, semi-circulaires, témoignent du savoir-faire romain. L’arc en plein cintre, invention que l’on retrouve dans la plupart des grands aqueducs de l’Empire, permettait de franchir des vallons tout en assurant une stabilité remarquable.

Ici, l’ouvrage se distingue par sa longueur : plus de trente travées successives sont encore visibles aujourd’hui, dressées au milieu des vignes du Minervois. Vu depuis Google Earth, la régularité de la structure impressionne autant que la simplicité de son intégration dans le paysage. On imagine aisément le filet d’eau qui, il y a près de deux mille ans, circulait dans le specus (le canal supérieur), alimentant un bourg, une villa, ou des terres agricoles.

Un ouvrage méconnu

L’aqueduc romain d’Azille est d’autant plus fascinant qu’il reste méconnu. Ni la base Mérimée, ni la DRAC Occitanie ne semblent en avoir établi de notice officielle. L’ouvrage n’est pas classé au titre des Monuments Historiques, contrairement à d’autres aqueducs antiques de la région comme celui d’Ansignan. Il est pourtant là, bien conservé, visible et accessible, témoin silencieux de l’ingénierie romaine en Narbonnaise.

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Cette absence de reconnaissance officielle explique sans doute que certains sites internet ou guides touristiques n’évoquent que « deux arches en plein cintre ». Mais les photos, croisées avec les vues aériennes, rétablissent la vérité : l’aqueduc d’Azille est une longue succession d’arcs, dépassant la trentaine.

Entre canal du Midi et héritage romain

La proximité du site avec le pont-canal de Jouarres, ouvrage majeur du canal du Midi, accentue encore le contraste. D’un côté, l’ingénierie du XVIIᵉ siècle signée Riquet, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO ; de l’autre, l’ingénierie romaine, deux fois millénaire, ignorée des inventaires officiels mais toujours debout.

Ainsi, en quelques centaines de mètres, on traverse plus de 1 500 ans d’histoire de l’hydraulique : des Romains aux bâtisseurs du canal du Midi, deux visions de l’eau et du paysage dialoguent encore aujourd’hui dans ce coin du Minervois.

Une balade à ne pas manquer

L’aqueduc est facile d’accès depuis les chemins agricoles. On peut se garer non loin du château de Jouarres et longer le canal du Midi avant de bifurquer vers les vignes. L’ouvrage surgit alors, majestueux dans sa simplicité. En s’approchant, on distingue l’appareil de pierre, les variations dans la maçonnerie, et la répétition hypnotique des arcs.

Pour les amateurs de patrimoine comme pour les simples promeneurs, c’est un arrêt qui vaut le détour. Il rappelle que l’Aude n’est pas seulement la terre du canal du Midi, mais aussi une région où l’empreinte romaine reste inscrite dans la pierre, parfois loin des grands circuits touristiques.