
Les Rails de l’Histoire : de Negombo à Jaffna
Un voyage hors du temps au Sri Lanka
Pourquoi ne pas prendre le train au Sri Lanka ?
Ici, le rail est bien plus qu’un simple moyen de transport : c’est une immersion dans le quotidien des Sri Lankais, une parenthèse où le temps semble ralentir, offrant des rencontres, des paysages inoubliables et une expérience sensorielle unique.
Avec plus de 1 500 kilomètres de voies ferrées, un réseau en constante modernisation et une connectivité vers les sites touristiques majeurs, le train est une évidence pour tout voyageur en quête d’authenticité. Malgré sa lenteur et son confort parfois rudimentaire, il reste plus apaisant que le bus et nettement plus pittoresque.
Et c’est justement ce que nous recherchons.
Ce matin-là, à Negombo, nous embarquons dans une aventure qui nous mènera jusqu’au nord du Sri Lanka, à Jaffna. Un voyage de 350 kilomètres qui, sur le papier, semble relativement simple. Mais sur ces rails, chaque kilomètre est une histoire, chaque arrêt un tableau vivant, chaque passager un personnage d’un récit bien plus grand que nous.
Negombo, 3h du matin
Il est encore nuit noire lorsque nous quittons notre hébergement. L’air est lourd, chargé d’humidité. Dans les rues endormies, seuls les chiens errants troublent le silence. En petites meutes, ils aboient, nous encerclent, hésitant entre la menace et l’indifférence.
Nous avançons lentement, sans courir, feignant une confiance que nous ne ressentons pas tout à fait. Ce n’est pas le moment de montrer la moindre faiblesse.
Enfin, nous atteignons la gare de Kurana. Il est 4h du matin. L’endroit est désert.
Une lumière blafarde éclaire vaguement les rails, projetant des ombres fantomatiques sur les wagons abandonnés. Un chien solitaire, plus paresseux que les autres, s’étire avant de se recoucher le long des voies.


C’est alors qu’une scène surréaliste se déroule sous nos yeux : un homme en short moulant et marcel fait des allers-retours sur le quai, comme un acteur de théâtre jouant une scène absurde sous un projecteur unique. Le chef de gare, apparemment. Il court, trottine, repart dans l’autre sens. Un footing matinal au milieu de ce décor figé dans le temps.
On se croirait dans un film de Pagnol, version tropicale.


Nous devons acheter nos billets. Mais ici, personne ne parle anglais, encore moins français. Les échanges sont approximatifs, faits de gestes et de regards interrogatifs. Finalement, avec un sourire et une liasse de roupies tendue à la bonne personne, nous obtenons nos précieux sésames.
Une plongée dans l’atmosphère sri lankaise
Le premier train arrive en haletant, une vieille carcasse rouillée dont les wagons se balancent doucement sous leur propre poids. Toutes les portes sont grandes ouvertes, laissant passer l’air tiède du matin.
Ici, pas de numérotation, pas de règles strictes. Lorsque le train s’immobilise, une course effrénée s’engage. Nous ne comprenons pas immédiatement, mais nous courons aussi. Il faut entrer, vite, avant que toutes les places assises ne disparaissent.

Nous trouvons refuge en troisième classe. Des banquettes en bois, des ventilateurs poussifs, une lumière crue. Mais ce n’est pas le confort que nous sommes venus chercher.

Le train s’ébranle dans un grincement métallique. Les rails nous entraînent vers Ragama, où nous devrons changer pour le Yal Devi Express, direction Jaffna.
Ragama – L’étrange attente
Une heure plus tard, nous descendons à la gare de Ragama. Ici, l’ambiance change.
Les regards des habitants se posent sur nous, interrogateurs. Il y a une curiosité dans leurs sourires, une retenue qui semble nous jauger. Nous sommes les seuls touristes sur ce quai, et cela se ressent.

Autour de nous, la gare bruisse de mille sons : annonces au haut-parleur, éclats de voix, appels des vendeurs ambulants.

Les discussions en cinghalais et en tamoul se mêlent dans une rumeur continue. L’odeur de fruits mûrs et de fritures s’accroche à l’air moite.
Et puis, enfin, le Yal Devi Express s’annonce.

Le train vers Jaffna – Entre chaos et poésie
Dès les premiers instants à bord, nous comprenons que ce voyage sera tout sauf ordinaire.
Le train tangue comme un navire pris dans une tempête. De droite à gauche, d’avant en arrière. Ici, tout est mouvement.
Les portes restent grandes ouvertes. Certains passagers s’installent au bord, les jambes pendantes dans le vide. Nous suivons leur exemple. Devant nous, les paysages défilent, changeant au fil des kilomètres : rizières éclatantes, villages assoupis, dagobas blanches qui surgissent entre les palmiers.
À bord, la vie bat son plein.

Des vendeurs ambulants traversent les wagons, portant sur la tête des plateaux de samosas fumants, des beignets de lentilles et du café brûlant. Des enfants rient, nous saluent, brandissant leurs smartphones pour un selfie improvisé.

Puis, surgissent d’autres figures improbables : un homme aveugle, d’une agilité déconcertante, navigue entre les sièges en tendant la main. Un autre exhibe une cicatrice impressionnante, témoin silencieux d’un passé inconnu. Un musicien tente de faire entendre sa mélodie dans le tumulte ambiant.




Ce train est un théâtre à ciel ouvert, un spectacle où chaque passager a son rôle, son histoire.
Anuradhapura – La frontière invisible du nord
À 11h, nous atteignons Anuradhapura. Ici, quelque chose change.
Les dagobas blanches laissent place aux kovils hindous aux façades éclatantes de couleurs. Les visages, les habits, les parfums de l’air nous annoncent que nous entrons dans un autre Sri Lanka, celui du nord, celui des Tamouls.
La guerre civile qui a ravagé la région pendant plus de 25 ans n’est pas si lointaine. On nous a prévenus : peu de touristes viennent ici. Autour de Jaffna, certaines zones restent minées. Mais l’appel du nord est plus fort que l’appréhension.

Nous passons la gare de Paranthan et le train poursuit sa route, filant à travers des étendues d’eau et des salines, traversant l’Elephant Pass, un passage stratégique encore marqué par la présence militaire.
Nous sommes sur le dernier tronçon.
Jaffna – Au bout des rails, un autre monde
Après neuf heures de trajet, nous arrivons enfin.
Jaffna.
Le train s’immobilise dans un crissement prolongé. À travers les vitres encrassées, nous apercevons une ville différente de celles du sud. Une ville qui porte les stigmates du passé, mais où la vie a repris ses droits.



Les rails qui avaient été réduits au silence par la guerre résonnent à nouveau sous le poids des locomotives.
Nous descendons, posons le pied sur ce sol chargé d’histoire.
Jaffna nous voilà.
Cette aventure sur les rails du Sri Lanka ne fut pas qu’un simple voyage d’un point A à un point B. Ce fut une immersion totale, un moment suspendu entre le passé et le présent, entre le chaos et la beauté, entre l’inconnu et l’émerveillement.
Et si c’était ça, finalement, la vraie magie du train ?

Les lignes de train du Sri Lanka

Le réseau ferroviaire du Sri Lanka, étendu et bien développé, facilite la liaison entre les principales villes et les sites touristiques majeurs du pays. Il se divise principalement en quatre lignes stratégiques :
- Colombo – Badulla : Cette ligne emblématique offre une expérience pittoresque, permettant d’admirer les panoramas montagneux de l’île. Les arrêts notables incluent Kandy, Nanu Oya (proche de Nuwara Eliya), Ella et Badulla.
- Colombo – Sud de l’île : Offrant également des paysages remarquables, cette ligne permet de relier la capitale à des destinations telles que Galle et Matara, offrant ainsi une expérience ferroviaire enrichissante.
- Colombo – Jaffna : Cette ligne stratégique facilite la liaison vers la côte Est (Trincomalee), Mannar, Jaffna, ainsi que Trinco et Batti. Elle constitue un axe essentiel pour explorer la diversité géographique et culturelle du Sri Lanka.
- Colombo – Puttalam : Cette ligne relie la capitale à Puttalam, offrant ainsi une connexion vers cette région côtière. Elle s’ajoute aux itinéraires ferroviaires, permettant aux voyageurs d’explorer davantage les richesses naturelles et culturelles du pays.
La ponctualité et la fiabilité du réseau ferroviaire contribuent à en faire un moyen de transport efficace pour les voyageurs souhaitant découvrir les multiples facettes du pays, tout en bénéficiant du confort des trajets en train.
Les différentes classes de train au Sri Lanka
Le système de classification des trains au Sri Lanka comporte trois catégories distinctes, chacune offrant des caractéristiques spécifiques :
- Première classe : Cette catégorie se subdivise en trois sous-classes distinctes. La première englobe la classe voiture, la deuxième est dédiée aux wagons-lits, particulièrement adaptés pour les longs trajets, et la troisième propose des salons panoramiques, idéaux pour contempler les paysages à travers de vastes baies vitrées. Il convient de noter que cette dernière sous-classe est uniquement disponible sur certaines lignes, notamment celles en direction de l’est de Colombo. La réservation préalable est impérative pour cette catégorie.
- Deuxième classe : Offrant un compromis équilibré, cette catégorie propose des sièges confortables ainsi que des ventilateurs, assurant une expérience de voyage agréable.
- Troisième classe : Bien que plus économique, cette catégorie est caractérisée par un niveau de confort réduit, avec des banquettes en bois ou en skaï. Les compartiments de troisième classe peuvent souvent être très fréquentés, nécessitant ainsi une anticipation des conditions de voyage.
Cette classification offre aux voyageurs une gamme d’options en fonction de leurs préférences et de leurs besoins, garantissant ainsi une flexibilité dans le choix du confort et du style de voyage.
