La glacière de Vinassan
Bien avant que réfrigérateurs et congélateurs aient envahi les maisons, nos ancêtres savaient conserver les aliments dans leur cave et les boissons dans puits et ruisseaux. Mais ils avaient aussi des glacières, comme celle de Vinassan.
lors d’une randonnée à La Combe du Loup au pied de la Clape, nous avons découvert le fameux bâtiment datant du 17ème siècle qui permettait de conserver la glace.
La France traversait une période très froide, une mini glaciation de 1550 à 1580. Les hivers étaient longs et très froids. De nombreux villages possédaient une ou plusieurs glacières
Très intrigués par cette appellation, je me posais pleins de questions.
Le voile s’est levé quand nous sommes arrivés sur le site. Il y a beaucoup de panneaux explicatifs, pour connaître l’histoire et le fonctionnement de ses glacières.
Positionné à flanc de colline, elle a été construite selon les normes architecturales du XIVè.
La partie destinée au stockage de la glace est creusée dans le sol et maçonnée.
Les structures supérieures bâties servent essentiellement aux accès nécessaires lors du remplissage ou des prélèvements.
La partie la plus haute est composée d’un dôme percé d’une ouverture. C’est par là que la glace est introduite. La partie médiane, cylindrique, permet l’accès au corps de la glacière pour son entretien ou le débitage sur place de pains de glace. L’ensemble du bâtiment mesure en moyenne 8 mètres de hauteur pour un diamètre de 6 mètres. Il pouvait contenir un peu plus de 100m3 de glace.
Son unique fonction est le stockage.
L’accès au corps de la glacière est assuré par un couloir vouté en forme de L, au nord du bâtiment. Il est divsé en deux parties fermées par des portes.
L’ensemble est recouvert d’une épaisse couche de terre afin d’assurer une meilleure conservation et de lutter contre l’élévation de la température extérieure et du taux d’humidité.
Au XVIIème siècle, la mode est à la consommation des sorbets et des glaces. Outre cet usage culinaire, la glace servait pour le rafraîchissement des boissons ; les bouchers et les poissonniers l’utilisaient pour conserver leurs produits. Enfin elle pouvait rentrer dans certaines pratiques médicales pour soigner des maladies (il existe une glacière dans la cour de l’hôpital de NARBONNE). Certaines maisons de la grande bourgeoisie et de la noblesse l’achetaient pour un emploi domestique.
Fonctionnement de la glacière
En novembre, un meneur d’œuvre nettoyait la glacière à grandes eaux, car la propreté était gage d’une bonne qualité de la glace. L’eau s’évacuait ensuite par un orifice (touât) situé, pour celle de VINASSAN, sous le couloir d’accès. Cette évacuation avait aussi son rôle à jouer lors de la fonte de la glace, au moment de sa conservation. Au fond de celle-ci était disposé un lit de branchages ou de sarments. Alors pouvait commencer la collecte de la glace qui se faisait à dos de mulets ou dans de nombreux tombereaux. Elle était recueillie dans les mares avoisinantes, le cours d’eau qui passait à proximité, des bassins aménagés à cet effet. Ici, on parvenait à remplir la glacière avec la glace récoltée aux alentours. A l’époque de Louis XIV, la France traverse une mini glaciation.
Le remplissage s’effectuait par l’ouverture supérieure. Les hommes tassaient la neige avec leurs sabots ou avec leurs grosses massues de frêne ( opération appelée le cavage) afin de limiter au maximum les trop nombreuses bulles d’air qui provoquent la fonte.
Les murs, très épais, étaient garnis de feuillage et de paille au fur et à mesure que la glacière était remplie, toujours dans un souci d’isolation thermique. Quand on considérait que la glacière était pleine, le vide restant était comblé par de la paille et la glacière était fermée.
Elle restait sous haute surveillance, des contrôles et des prélèvements étaient effectués régulièrement.
En mai, un procès verbal autorisait l’ouverture de la glacière et la vente pouvait commencer. La glace était alors évacuée par le couloir d’accès.
Pour finir, a l’extérieur, la glacière était entièrement recouverte de terre et de végétaux pour assurer la meilleure isolation possible. Le couloir d’accès est orienté au Nord, en forme de coude, avec trois portes successives. protégeait la glace de l’air jusqu’en mi-mai.
La glace ainsi tassée pouvait rester 6 mois mais elle perdait du volume, environ 50 %.
Il suffisait d’attendre les premières chaleurs pour confectionner des cylindres de glace.
Ce travail se faisait principalement de nuit les hommes étaient éclairés par des bougies, même à l’intérieur du bâtiment. Chaque cylindre de glace retaillé au moyen d’une scie et d’un pic à glace était enveloppé dans de la toile tapissée de feuilles de hêtre puis chargé sur une charrette couverte d’une bâche.
Les rouliers partaient de nuit vers la vallée de l’Aude et livraient soit à domicile les cafetiers, les bouchers, les traiteurs.
On peut de nos jours découvrir au Pas de Montserrat de remarquables ornières de charrettes dans la roche calcaire. Une ancienne Voie romaine fut utilisée pour acheminer les pains de glace des glacières du Haut Audois vers la plaine.
Cette Voie fut appelée la route de la glace en direction de Fleury et Cuxac. Mais il ne faut pas oublier le commerce local où les cafetiers du village, les bouchers, les poissonniers, les limonadiers venaient s’y approvisionner pour conserver les aliments et pour déguster leurs sorbets aux fruits de la région.
Cette industrie de la conservation de la glace prit fin vers la fin du XIXème siècle à cause du réchauffement climatique.
Quelques chiffres et aspects techniques :
- diamètre : 6 mètres
- hauteur : 9 mètres
- contenance : 100 tonnes de glaces
Le bâtiment a été construit avec des pierres de grès et de calcaire, certains blocs de calcaire ayant été taillés pour les embrasures des portes. Le fond est un pavage de pierres non jointives, bloquées par de l’argile.
La glacière est aujourd’hui libre d’accès