
L’été en Corse
Chaud devant ! Carnet de sueur à Lecci (Corse du Sud, août caniculaire)
Août. Deuxième fois que je rends visite à ma famille en plein été corse. Ce n’est plus une Erreur de débutant, c’est de la stupidité.
Cette année la chaleur est si intense que même les lézards cherchent de l’ombre. Pendant ce temps, l’île est toujours envahie par des Parisiens en tongs qui s’exclament à chaque détour de pin :
— « Mais c’est trop chouette ici ! »
Ce qui enclenche une macagna Corse.
Tu s’est a quoi tu reconnais un pinzuti ?
A ses claquettes, et la tête de Maure dessiné dessus
J’ai posé mes valises à Lecci, juste à côté de Porto-Vecchio, dans ce que ma sœur appelle « la petite maison du maquis ». Un nom poétique pour désigner en réalité une fournaise camouflée sous les chênes-lièges : pas de clim, pas de courant d’air, juste un vieux ventilateur qui fait plus de bruit que de vent.
Deuxième erreur : on est parti de Marseille avec le Napoléon Bonaparte pour débarquer à Ajaccio.

L’été, Ajaccio–Porto-Vecchio se calcule en heures, pas en kilomètres. Résultat : quatre heures de route pour traverser l’île sous un soleil de plomb.
Jour 1 : Arrivée, bronzage instantané
Quand enfin on arrive à Lecci, fourbus mais heureux, la table est déjà mise.
Les assiettes attendent, les verres brillent sous le soleil, et la fatigue du voyage s’efface d’un coup : ici commence vraiment l’été.
Sur la table, charcuterie, fromages, figatellu en mode été, pain croustillant, rosé bien frais.
Un vrai festin d’arrivée, arrosé de retrouvailles.
Mais après ça… obligation morale (et digestive) : la sieste.
Je m’allonge, mais impossible de dormir.
Je cuis doucement dans mes draps, comme un feuilleté au fromage oublié dans le four.
Même allongé, j’ai chaud aux cheveux.
Le ventilateur tourne, mais c’est du vent tiède.
Vers 18h, un souffle d’air sauve la journée.
On saute dans la voiture, direction Porto-Vecchio.
Terrasses vivantes, criques dorées par le soleil rasant,
et ce petit goût d’été qui colle à la peau…
Là, oui. Là, je commence à réaliser : je suis vraiment en Corse.

Porto-Vecchio ne se découvre pas en une seule journée. J’y suis revenu plusieurs fois, et j’en parle plus en détail sur c’est article d’octobre 2020 👍
Jour 2 : Plage de San Ciprianu, ou « Ibiza-sur-mer »
On part tôt, “pour éviter le monde”. Spoiler : le monde s’est levé encore plus tôt.
Arrivés à San Ciprianu (ou Saint-Cyprien), la plage est sublime — un croissant de sable blanc bordé d’une mer turquoise et translucide. Une vraie carte postale…



Devant chez Marco, une paillote au bord de l’eau, la plage est habitée par la moitié du continent, familles, parasols multicolores, gamins surexcités qui crient comme s’ils étaient dans un parc d’attractions. Un vrai cirque. Manquaient plus que les clowns.
Article écrit en Octobre 2020 su San Ciprianu
J’arrive à me trouver un coin de serviette entre un couple qui se dispute et un chien mouillé qui secoue. L’eau est belle, fraîche, presque irréelle. On se baigne longtemps, on flotte, on oublie le vacarme.
Mais en sortant, je découvre un autre effet secondaire du soleil corse : ma serviette m’a grillé les fesses. Littéralement.
San Ciprianu, ce n’est pas qu’une plage. C’est aussi une baie splendide, presque circulaire, dominée par une tour génoise perchée sur un promontoire rocheux. Derrière, l’étang d’Arasu recueille les eaux de l’Osu, et aux abords de l’embouchure, on a retrouvé plusieurs vestiges archéologiques.

C’est beau, c’est sauvage, c’est bruyant l’été — mais ça reste un petit paradis.
À midi, on a fait simple, mais efficace : sandwichs charcuterie-fromages préparés avec amour, pris à l’ombre des pins. Lonzu, coppa, tomme de brebis — le trio gagnant. Pour faire glisser tout ça : une Pietra bien fraîche, la fameuse bière corse à la châtaigne. Ambrée, légèrement sucrée, avec ce petit goût de « reviens-y » qui te donne envie d’en commander une deuxième. Un vrai délice, et un petit clin d’œil au terroir local.
L’après-midi ? Digestion active : une petite grimpette jusqu’à la tour génoise qui domine la baie de San Ciprianu. Ça grimpe, mais le panorama récompense l’effort : vue sur la mer, sur la plage en demi-lune, et sur les toits rouges des maisons noyées dans le maquis. En haut, le vent souffle fort — ou est-ce le souffle court ? Allez, un peu des deux.
Ensuite, direction la plage de Cala Rossa, un peu plus au nord. Ici, l’ambiance est plus chic, plus calme. Le sable est doré, la mer d’un bleu presque irréel, avec des rochers granitiques qui émergent ça et là. On croirait une piscine naturelle, bordée de quelques maisons de rêve avec les pieds dans l’eau. Moins de cris, plus de silence, plus de contemplation. On se baigne, on lézarde, on ralentit le rythme.
Le soir, retour à notre petite maison perdue dans le maquis, qui sent bon les vacances d’été et les pins chauffés au soleil.
Mais la journée ne s’arrête pas là : ma sœur et mon beau-frère m’emmènent dîner au Figuier, un petit resto caché dans la verdure, à l’écart du tumulte. Ambiance conviviale, cuisine simple et raffinée à la fois. Le cadre est charmant, presque confidentiel. Dans l’assiette : des produits locaux sublimés — poisson grillé, légumes du jardin, un dessert maison à tomber. Et toujours cette générosité corse dans l’accueil.
On termine la soirée repus, heureux, un peu ivres de soleil, de vin et de vie.
Demain, c’est promis : on part encore plus tôt. Enfin, on essaiera.
Jour 3 : De l’eau turquoise aux pierres sèches
Ce matin-là, réveil en douceur avec le chant des oiseaux et l’odeur du café qui flotte dans l’air. Le soleil est déjà haut, le ciel sans un nuage. On plie les serviettes, on recharge le sac de plage, et on met le cap sur une nouvelle merveille : la plage de Palombaggia.
C’est l’une des plus célèbres, et pour cause : sable blanc presque farineux, pins parasols qui penchent nonchalamment vers la mer, et cette eau turquoise, d’une transparence à te faire croire que tu es aux Seychelles. On arrive tôt, avant la foule, histoire de profiter du calme, des reflets, et de la fraîcheur. Baignade, bronzette, lecture… le trio habituel.
Vers midi, on quitte les rivages pour remonter vers l’arrière-pays. Changement de décor. Adieu les plages, bonjour les pierres sèches, les sentiers bordés de murets, les hameaux oubliés. On grimpe jusqu’à l’Ospedale, ce plateau montagneux qui domine la région, perché à près de 900 mètres d’altitude. L’air y est plus frais, plus boisé, ça sent le pin laricio et la liberté. Petite halte au bord du lac, puis pique-nique improvisé avec du pain croustillant, du brocciu frais et quelques tomates juteuses.
L’après-midi se poursuit par une petite randonnée dans les environs : rochers ronds, vues plongeantes sur le golfe, brise légère dans les cheveux. On sent que la montagne veille sur la mer, comme une vieille amie silencieuse.
Le soir, retour à notre repaire dans le maquis. On ouvre une bouteille de vin rouge corse — un Patrimonio, tannique et généreux — et on se prépare une salade simple avec les restes du marché. Pas besoin de plus : le goût des choses vraies, ça suffit amplement.
La nuit tombe lentement. Le ciel se remplit d’étoiles. Et dans le silence, on se dit qu’on est bien là. Juste bien.
Jour 4 : Randonnée à Piscia di Gallu — entre fraîcheur et vertige
La veille, on avait fui la chaleur écrasante de la côte pour respirer à pleins poumons l’air boisé de l’Ospedale. Là-haut, à près de 900 mètres d’altitude, les pins laricio parfumaient le vent, les murets de pierre murmuraient l’histoire, et l’on avait retrouvé le silence, la fraîcheur, la vraie.
Ce matin encore, c’est ce souffle-là qu’on cherche. Cette parenthèse hors du temps. Alors, sans trop hésiter, on replonge vers la montagne, direction la fameuse cascade de Piscia di Gallu.
Ma sœur me lance ça d’un ton léger : — « T’inquiète, c’est une petite marche tranquille. »
Traduction : 45 minutes de montée dans les cailloux, sur un sentier ensoleillé et pentu, avec l’impression d’avoir le four de la cuisine vissé dans le dos.
Le départ est pourtant serein, presque bucolique. Le sentier serpente sous les pins, l’ombre joue entre les troncs, les aiguilles crissent sous les chaussures. Mais rapidement, les choses se corsent. Le chemin devient plus escarpé, les racines forment un jeu de mikado naturel, les rochers réclament toute notre attention. On grimpe, on sue, on râle un peu — mais on avance.
Et puis soudain, elle est là. La cascade. Elle coule, elle rugit, elle existe. Un filet ? Non : une chute de 60 mètres, spectaculaire, qui s’écrase dans un fracas sourd contre les rochers en contrebas.
Je reste un instant planté là, essoufflé, les mollets en feu, mais les yeux écarquillés. L’envie de me baigner me traverse l’esprit… mais l’accès est raide, le bassin pas vraiment accueillant, et mon courage s’est arrêté deux virages plus bas. Alors je m’asperge la nuque avec ma bouteille d’eau tiède et j’imagine la fraîcheur.
On immortalise l’instant. Beaucoup de photos. Je tente même une pose contemplative, genre « l’homme face à la grandeur du monde »… jusqu’à ce qu’un bourdon surexcité vienne ruiner la scène.
On redescend en silence, les jambes un peu raides, les joues rougies par le soleil, mais l’âme lavée par le vent, l’effort, et la beauté.
Objectif fraîcheur : validé. (Sans croiser un seul Parisien en claquettes. Ce qui, en soi, vaut toutes les récompenses.)
Jour 5 : Barbecue interdit, pêche aux oursins… et dégustation les pieds dans l’eau
On s’était imaginé une journée tranquille, en mode barbecue, comme on en rêve parfois. Sauf que voilà, en Corse, l’été, le feu est l’ennemi public numéro un. Le moindre barbecue est interdit. Et surveillé. Très surveillé. Un panneau laconique et un coup d’œil du voisin suffisent à nous rappeler à l’ordre : interdit, point barre.
Qu’à cela ne tienne, on rebondit.
Avec ma filleule, on enfile les sandales, on attrape un seau et un couteau, et on se dirige vers les rochers. Pas de charbon, mais des oursins — la version marine du pique-nique local.
Masque sur le nez, on scrute entre les pierres, là où les oursins se cachent. Ils sont là, discrets mais bien là. On en repère quelques-uns bien dodus, qu’on détache avec précaution — ou maladresse, c’est selon. Il faut éviter de se piquer les doigts et de glisser sur les algues. Ce n’est pas une science exacte, mais on rigole bien.
Une fois notre petit butin ramassé, on s’installe sur un rocher plat, les pieds dans l’eau. Elle est chaude, transparente, parfaite. On ouvre les oursins avec soin, un trait de citron, un morceau de pain croustillant… et c’est parti pour une dégustation les yeux dans le bleu et le soleil sur la peau.
L’après-midi, on reprend la voiture pour explorer les plages des alentours. Chaque crique a son charme, son silence, ses nuances de turquoise. On alterne farniente, bains, et petites discussions existentielles : la vie, les projets, les souvenirs d’enfance… Tout semble suspendu.
Et puis, en fin de journée, on se laisse tenter par une paillote. C’est l’heure de l’apéro, le moment parfait. Une pietra pour moi, un rosé bien frais pour elle. Les chaises sont en bois flotté, les pieds dans le sable, la musique est douce, le soleil descend lentement.
On trinque en regardant la mer.
Pas besoin de barbecue pour graver cette journée-là dans nos mémoires.
Après l’apéro dans la paillote, on a repris la route, les cheveux encore salés et le cœur léger. Direction les hauteurs de Porto-Vecchio, là où la lumière du soir caresse les collines et où l’on peut s’attabler avec une vue imprenable sur le golfe.
Le restaurant était perché, presque caché, avec une grande terrasse ouverte sur le port. Un de ces endroits où le temps ralentit, où l’on sent qu’on touche à quelque chose de précieux. Au menu : charcuterie artisanale, cannelloni au brocciu, et cette odeur de myrte qui flotte dans l’air. Le repas a eu le goût de la Corse — franc, généreux, et un peu sauvage.
Et puis, pour clôturer la journée, on a descendu quelques virages pour retrouver le vieux Porto-Vecchio, ses ruelles pavées, ses lampadaires jaunes, et sa vie nocturne discrète mais bien vivante. Là, dans une petite taverne, on est tombés sur une veillée corse.
Un trio de chanteurs, debout, sans micro, a entamé un chant polyphonique. Et tout s’est figé.
Les conversations se sont tues. Le vin a cessé de couler. Il n’y avait plus que leurs voix, puissantes, rugueuses, et cette vibration étrange qui remonte de l’intérieur. Un chant d’île et d’exil, de montagne et de mer.
Ma filleule écoutait, les yeux brillants. Moi aussi.
On est ressortis tard, ivres de beauté et de silence.
Jour 6 : Archipel envoûtant et coup de soleil corsé
Ce matin-là, c’était jeudi, et mon corps avait décidé de tirer la sonnette d’alarme. Grasse matinée imposée, comme si les jours précédents, riches en sel et en émotions, avaient enfin présenté leur addition. Je me suis levé tard, encore engourdi, juste le temps d’avaler un café au vol avant de filer vers San Ciprianu, là où m’attendaient ma sœur et mon beau-frère.
On s’est retrouvés « chez Marco », une paillote les pieds dans le sable, pour un déjeuner face à l’horizon, bercé par les va-et-vient paresseux des vagues. La cuisine y est simple, locale, pleine de soleil. Charcuterie, salade composée, côte de veau grillé, pizzas, rosé frappé … L’air sentait le pin chaud et l’iode.
Mais le clou de la journée, c’était après.
Direction l’archipel des Lavezzi.
On embarque à bord d’un semi-rigide pour une virée entre les îles. À peine le moteur lancé que déjà la côte s’efface, remplacée par l’immensité bleue, et ce sentiment grisant d’aller au bout du monde.
Première halte : la baie de Piantarella, un lagon aux eaux turquoise où l’on a pied très loin du rivage. Le sable est blanc, presque fluorescent, et l’eau si claire qu’on y voit les oursins au fond.
Puis on rejoint l’île de Piana, posée à fleur de mer, avec ses rochers polis par le vent et ses criques désertes. Un vrai tableau de Méditerranée, entre silence et lumière crue.
Petite escale ensuite à Cavallo, l’île des milliardaires, discrète et énigmatique, où les villas se cachent derrière les rochers comme des secrets trop bien gardés.
Enfin, Lavezzo, la sauvage.
Rien que le nom évoque le vent, les pierres et les naufrages. L’île est un chaos granitique parsemé de maquis rase et bordée de criques sublimes. On s’y baigne entre les blocs de pierre, dans une eau d’un bleu surréaliste. C’est beau à en pleurer. Et silencieux, presque sacré.
Mais le soleil, lui, n’a pas fait de pause.
Retour à San Ciprianu le dos en feu, malgré une peau déjà bien cuivrée. Le genre de coup de soleil qui vous rappelle que la Méditerranée, aussi belle soit-elle, ne pardonne rien.
Le soir, on l’a joué modeste. Un petit repas simple, au calme, presque en silence. Pas besoin d’artifices : la mer, aujourd’hui, avait déjà tout raconté.
Jour 7 – Vendredi : Derniers embruns, derniers regards
C’est toujours étrange, ce goût particulier des derniers jours. On les voudrait éternels et, en même temps, on commence déjà à se projeter ailleurs… En l’occurrence, vers l’Italie. Mais avant de tourner la page corse, on décide de savourer chaque instant.
Le matin, lever matinal on prend le temps d’un dernier café sur la terrasse, bercé par les odeurs de lentisques et le chant des oiseaux.
On descend une dernière fois jusqu’à Pinarellu, histoire de marcher pieds nus dans le sable encore frais et de piquer une tête dans l’eau translucide. La baie est calme, presque vide. C’est notre au revoir, simple et beau.
Puis on fait une halte à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio pour quelques provisions de route : coppa, lonzu, canistrelli à l’anis… Un peu de Corse dans les bagages.
L’après-midi est douce, sans programme précis. On flâne dans Porto-Vecchio, un dernier tour dans la vieille ville, quelques cartes postales envoyées en retard. On s’installe en terrasse, à l’ombre, pour déguster un dernier verre de muscat glacé et partager une planche de fromages corses. On laisse le temps passer.
Le soir, c’est dîner chez la sœur, ambiance de fin de séjour, entre rires et petits silences qui veulent dire : “on a passé de beaux jours”. On trinque à ces vacances pleines de soleil, de randos, de baignades, d’oursins et de souvenirs.
Demain, départ pour l’Italie. Une nouvelle page à écrire. Mais la Corse, elle, reste gravée.
Jour 8 – Samedi : Au revoir la Corse, bonjour l’Italie
Le réveil sonne plus tôt que d’habitude. Pas de baignade aujourd’hui, pas d’apéro les pieds dans le sable… C’est le grand départ.
On boucle les sacs une dernière fois, on remet un peu d’ordre dans la petite maison du maquis, ce havre perdu entre mer et maquis qui nous a accueillis comme dans un rêve. Un dernier regard vers les collines embrumées, un dernier soupir. Il est temps de prendre la route.
Direction Bastia, par la côte. La route serpente entre pinède et mer turquoise. On longe des criques encore désertes, on aperçoit parfois une silhouette matinale en paddle, un voilier au loin. Le bleu de la Méditerranée est partout, hypnotique.
C’est une route douce, presque mélancolique, comme si elle voulait nous faire un dernier cadeau avant le départ. Un dernier bain de lumière, un dernier souffle d’embruns.
En début d’après-midi, on arrive au port de Bastia. L’imposante silhouette du ferry pour Piombino nous attend. Il est 15h, l’heure de larguer les amarres. Trois heures de traversée, un vent léger dans les cheveux, et cette impression douce-amère d’un chapitre qui se referme.
Sur le pont, on regarde la Corse s’éloigner lentement. La côte devient floue, les montagnes s’effacent dans la brume. Le cœur est un peu serré, bien sûr, mais gonflé aussi de toutes les images, les rires, les odeurs et les moments partagés.
Bientôt, l’Italie pointera à l’horizon. Une autre langue, d’autres saveurs, une autre histoire à écrire.
Mais pour l’instant, on laisse encore un peu de place à la nostalgie. La Corse s’éloigne, mais elle reste là, bien ancrée. Comme une promesse. Comme un souvenir à la peau salée.
Carte postale depuis le pont du Moby : Bastia – Piombino
15h, samedi. La coque du Moby Dada se détache lentement du quai de Bastia. Dessinés sur les flancs du ferry, Bugs Bunny et Daffy Duck nous regardent partir avec un clin d’œil. On quitte la Corse comme on tourne une page bien écrite : avec un soupir, un sourire, et un peu de sel sur les joues.
Depuis le pont, Bastia s’efface doucement. Le Cap Corse aussi, se fond dans la brume de l’après-midi. On se retourne une dernière fois. C’est beau, un départ.
En mer, le temps se dilate. Une heure plus tard, un morceau d’histoire apparaît à bâbord : l’île d’Elbe, ce caillou napoléonien planté dans l’azur. On distingue ses collines, ses petits ports blancs, ses secrets. Le vent raconte des batailles perdues et des retours triomphants.
On reste là, silencieux, à écouter le roulis, à contempler cette Méditerranée comme un livre ouvert.
Vers 18h, la côte toscane pointe à l’horizon. Piombino nous attend. Trois heures de traversée et une impression de voyage dans le voyage. L’Italie s’annonce, la Corse s’éloigne, et le cœur flotte quelque part entre les deux.





À Piombino, on pose les valises, on mange, on dort, on respire.
L’Italie nous accueille avec une pizza croustillante et un coucher de soleil comme dans un film romantique, mais sans la musique de fond.
Jour 9 – L’île d’Elbe, comme un tour de manège

Après une nuit paisible à Piombino, l’île d’Elbe nous ouvre les bras. Une traversée rapide nous dépose à Portoferraio, le cœur vibrant de l’île. Sur le port, location d’un scooter : la monture idéale pour explorer en toute liberté.

Nous voilà lancés pour un tour presque complet de l’île, un anneau de 150 km entre mer, montagnes et villages perchés. D’abord l’anneau occidental, sauvage et spectaculaire :
- Isolina della Paolina, peu après Procchio, un petit bijou flottant sur une mer de saphir.
- Marciana Marina, douce et élégante.
- Marciana Alta et Poggio, accrochés aux flancs de la montagne, comme figés dans le temps.
- Le Monte Capanne, que l’on aurait bien survolé en télécabine si le ciel avait été plus dégagé.
- Sant’Andrea, Chiessi, Fetovaia, Seccheto, Cavoli… une suite de criques et de plages plus belles les unes que les autres.
L’après-midi, cap vers la côte orientale, la fameuse “côte brillante”, marquée par l’histoire minière et la richesse naturelle :
- La grande plage de Lacona, superbe étendue de sable blanc baignée par une mer limpide, devient notre quartier général quelques heures.
- On grimpe ensuite vers Capoliveri par une route panoramique, puis descente vers le Lido di Capoliveri, au milieu des campings et des eucalyptus.
- Petites haltes sur les plages de Zuccale, puis exploration de Capoliveri, charmant et animé.
- En longeant la Costa dei Gabbiani, on rêve d’excursions en VTT sur les sentiers escarpés.
- Passage par Porto Azzurro, puis Rio Marina, Rio nell’Elba, et enfin la forteresse de Volterraio, qui veille sur l’île du haut de son promontoire.
- Petite pause devant les vestiges de la Villa Romaine des Grottes, avant de clore cette journée intense à Portoferraio.
Nous y embarquons pour regagner Piombino, le cœur encore vibrant de ce tour de manège insulaire. Un dernier soir sur le continent, à savourer lentement, avant la suite du voyage…
Le lendemain, direction Monte Argentario, promontoire toscan dans la province de Grosseto.




On s’arrête à Porto Santo Stefano, un joli port avec des bateaux, des chats qui dorment sur les capots, et des ruelles où on pourrait tourner une pub pour des glaces. Plages, ports, criques : check. On se gave de soleil, d’eau salée et de pasta.




Puis vient le clou du spectacle : le Jardin des Tarots de Niki de Saint Phalle. Des sculptures géantes, colorées, délirantes. On se balade dans un rêve psychédélique, mi-carte postale, mi-voyage intergalactique. C’est fou, c’est beau, c’est unique, comme si on était dans un rêve coloré sous LSD (sans la descente).

On en ressort les yeux pleins d’étoiles et le téléphone saturé de photos.
Mais voilà. Alors qu’on s’imagine déjà rallonger le séjour, un coup d’œil aux nouvelles nous ramène à la réalité : alerte inondation à Narbonne, ma ville. Des trombes d’eau sont tombées dans la nuit du 24 au 25 août, et apparemment, ma maison n’a pas l’option « nageoires ».
Conclusion : on remballe, on quitte le soleil toscan à contrecœur, et on prend la route du retour… direction Narbonne sous les nuages, la pluie et l’angoisse des flaques.
Mais une chose est sûre : Toscane, on reviendra. Et cette fois, sans alerte météo en embuscade.

