Sardaigne

Sardaigne, l’île aux mille visages

C’est en partant de la Corse, au fil de traversées vers Santa Teresa, Porto Torres ou Golfo Aranci, que j’ai découvert la Sardaigne. Une île que j’imaginais surtout balnéaire, un peu sauvage, mais qui m’a surpris à chaque détour de route par sa richesse, sa complexité, et surtout, sa puissance d’évocation.

La traversée Bonifacio–Santa Teresa : un trait d’union magique

Avant même de poser le pied en Sardaigne, la traversée depuis Bonifacio est déjà un moment à part. On quitte la haute falaise corse, blanche et vertigineuse, pour glisser sur les eaux claires du détroit. En à peine 50 minutes, le ferry traverse les Bouches de Bonifacio, ce bras de mer d’une beauté saisissante, où les îles surgissent comme des blocs de granit posés sur l’eau.


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C’est un voyage dans le voyage, un passage d’un monde à un autre : la lumière change, les senteurs marines se mélangent, et déjà, à l’horizon, Santa Teresa di Gallura nous tend les bras, avec ses couleurs méditerranéennes et son port animé.
Cette courte traversée est toujours, pour moi, un moment suspendu. Un sas. Un souffle.
Comme si l’on passait d’un rêve à un autre, sans savoir exactement où finit l’un et où commence le suivant.


La Sardaigne est bien plus qu’une simple destination de vacances. C’est une île à part, un monde à elle seule, à mi-chemin entre l’Afrique et l’Europe, entre la mer et la montagne, entre la rudesse et la douceur. Une terre de contrastes, forgée par les vents, la mer, les civilisations anciennes et les silences. Ce n’est pas un décor de carte postale, c’est un territoire vivant, habité, parfois oublié, souvent fier. Et c’est cela, justement, qui me touche.

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Des plages spectaculaires aux criques secrètes

Évidemment, on vient d’abord en Sardaigne pour ses plages. Turquoise, limpide, presque irréelle. Cala Luna, Cala Mariolu, La Pelosa, Su Giudeu, Porto Giunco… Certaines sont connues, aménagées, fréquentées ; d’autres n’apparaissent qu’après une longue marche, un sentier caillouteux ou un détour en bateau. La mer y est presque toujours transparente, et le sable tantôt blanc, tantôt doré ou rosé, comme à Budelli.

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Mais ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les criques dissimulées entre deux falaises calcaires, les plages désertes en basse saison, le vent qui remue les herbes sèches derrière les dunes, les vieux cabanons de pêcheurs abandonnés sur des pointes oubliées.


Une nature brute et sculptée : falaises, grottes et canyons

La Sardaigne est aussi une terre de reliefs : falaises vertigineuses à Capo Caccia, falaises blanches plongeant dans l’azur du golfe d’Orosei, canyons intérieurs comme celui de Gorropu, le plus profond d’Europe, où le silence devient total et la roche imposante. Sans parler des grottes marines ou souterraines, comme la Grotta di Nettuno ou Su Marmuri, qui semblent sorties d’un autre monde.

Chaque virage de route réserve une surprise géologique. Ici un rocher sculpté par l’érosion, là un plateau désertique où paissent quelques brebis sous un soleil impitoyable. Le maquis, les forêts de chênes-lièges, les figuiers de barbarie, les montagnes de la Barbagia ou du Supramonte composent un tableau à la fois rude et grandiose.

Des villages figés dans le temps… ou dans l’abandon

En m’enfonçant dans les terres, j’ai découvert un autre visage de la Sardaigne : ses villages perchés, souvent paisibles, aux maisons de pierre, aux places minérales, où le temps semble ralenti. Certains, comme Gavoi, Mamoiada ou Orgosolo, sont encore vivants, denses d’histoire et d’identité. D’autres, au contraire, sont presque déserts ou abandonnés, comme suspendus dans le vide.

J’ai aussi été fasciné par les villages miniers délaissés, témoins d’un passé industriel intense mais révolu comme MonteponiIngurtosuNaracauli, ou Argentiera qui sont des décors de cinéma à ciel ouvert, où l’on se sent à la fois seul et traversé d’histoires.

Des ruines fascinantes, où l’on devine des tranches de vie effacées par la poussière, la rouille et le vent. Il y a là une poésie particulière, une mélancolie palpable qui me touche profondément.

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🏚 Des lieux abandonnés, poignants et fascinants

La Sardaigne regorge de lieux oubliés, de structures délabrées, de villages figés dans le silence. Ces ruines industrielles ou rurales témoignent d’un passé souvent rude, parfois glorieux, aujourd’hui effacé par le temps. Ce sont des carrières désaffectées, des mines fantômes, des villages désertés ou même des anciens complexes touristiques abandonnés, vestiges de rêves inachevés.
Ce sont des lieux chargés, où la végétation reprend doucement ses droits, où la rouille et la pierre racontent mieux que des mots le destin d’une île aux ressources exploitées jusqu’à l’épuisement… et à l’abandon.
Et moi, j’aime m’y perdre. Parce que dans ces silences, il y a toujours quelque chose à entendre.

Street art et traditions : une île qui parle sur ses murs

Mais la Sardaigne n’est pas muette. Elle s’exprime sur ses murs : le street art y est un véritable langage populaire, engagé, surtout dans les villages de l’intérieur. Les fresques d’Orgosolo racontent la lutte, la résistance, la fierté sarde, mais aussi la solidarité internationale. D’autres villages, plus discrets, recèlent aussi de petites merveilles murales — parfois naïves, parfois puissamment politiques.

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Et puis, il y a la vie des gens. Les vieillards au regard franc, les enfants en train de courir sur les places, les processions religieuses, les carnavals païens avec leurs masques effrayants et leurs peaux de bêtes, comme à Mamoiada. Une culture qui ne se donne pas tout de suite, mais qui, une fois entrevue, ne s’oublie pas.

Une île habitée depuis la nuit des temps

L’histoire de la Sardaigne remonte à bien avant Rome. Ici, on trouve des sites préhistoriques uniques au monde, comme les nuraghes, ces mystérieuses tours de pierre datant de l’âge du bronze, dont on ne connaît pas encore précisément le rôle. Le plus célèbre est Su Nuraxi, inscrit à l’UNESCO, mais il y en a des centaines, parfois enfouis sous la végétation. À cela s’ajoutent les tombes des géants, les domus de janas (maisons des fées), et bien d’autres vestiges d’une civilisation à part, la civilisation nuragique, qui n’existe que sur cette île.

La Sardaigne n’a jamais été totalement soumise. Elle a été convoitée, occupée, mais elle a toujours gardé une forme de repli et de singularité. Même aujourd’hui, on sent que les Sardes vivent sur leur propre rythme, avec une identité forte, un rapport au territoire viscéral. Et c’est peut-être cela qui me plaît le plus : cette impression que l’île ne cherche pas à plaire, mais à rester elle-même.


Pourquoi j’aime la Sardaigne

Parce qu’elle me bouscule et me console à la fois.
Parce qu’elle n’est jamais totalement ce que j’attends.
Parce qu’on y trouve des plages de rêve… et des fantômes industriels.
Parce qu’elle mêle douceur méditerranéenne et âpreté montagnarde.
Parce qu’on peut y errer des jours sans croiser personne, ou tomber sur une fête de village inattendue.
Parce qu’elle est rude, secrète, mais profondément authentique.

La Sardaigne, c’est une île que l’on découvre… mais qui vous observe aussi, et vous garde un peu en elle.

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🏚 À la découverte des villages miniers oubliés

🎨 Orgosolo, Mamoiada et les voix murales de la Sardaigne

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