Saint-Pons-de-Thomières
J’étais déjà passé plusieurs fois par Saint-Pons-de-Thomières, sans jamais vraiment m’y attarder. Le 14 août 2020, l’occasion s’est enfin présentée : nous avons posé nos valises au camping Les Cerisiers du Jaur. Installés au bord de la rivière, entre ombre et fraîcheur, nous avions trouvé là un havre de repos idéal en plein été. Le chant de l’eau, les montagnes tout autour et les cerisiers qui donnaient leur nom au lieu composaient une atmosphère douce, presque hors du temps.
De là, il nous a semblé évident d’aller enfin explorer le village.
L’abbaye, cœur battant de Saint-Pons
Au centre du village, l’ancienne abbaye bénédictine, fondée au Xe siècle par le comte de Toulouse et devenue cathédrale, domine encore les toits. Approcher l’édifice, c’est ressentir immédiatement la force tranquille de ses pierres. L’abside romane, massive et élégante, témoigne de l’importance spirituelle de Saint-Pons et de la vie des moines qui y suivaient le rythme des prières et des saisons.
À l’intérieur, la fraîcheur des murs contraste avec la chaleur de l’été. La lumière traverse les vitraux et caresse les pierres, comme pour réveiller une mémoire endormie. Dans ce silence sacré, on imagine les chants grégoriens résonner sous les voûtes et les pas des moines parcourant le cloître disparu, jadis lieu de méditation et de promenade, aujourd’hui seulement perceptible à travers l’agencement des bâtiments et les traces des galeries.
Le marbre blanc, trésor des montagnes
Saint-Pons n’est pas seulement une ville de prière. Elle fut aussi une terre de travail et de pierre. Le marbre blanc extrait des carrières environnantes a orné les plus beaux monuments, bien au-delà de la vallée : colonnes, autels et sculptures rejoignaient églises et palais d’Occitanie. Dans certaines rues, on devine encore ce passé à travers les dalles polies, les encadrements de portes ou les linteaux taillés : la pierre raconte la richesse et le savoir-faire d’un territoire façonné par la nature et l’homme.
Le murmure du Jaur et la légende de la cloche engloutie
En longeant la rivière, nous avons rencontré un vieil habitant qui nous a glissé quelques mots, presque en confidence :
— « Savez-vous que le Jaur cache un secret ? »
Il nous a alors raconté la légende de la cloche engloutie. Une cloche gigantesque, coulée pour la cathédrale, aurait un jour roulé dans la rivière lors d’un violent orage, emportée par les eaux. Depuis, dit-on, quand le tonnerre gronde sur les montagnes, on entend encore son écho sourdre des profondeurs.
Le clapotis du Jaur sembla soudain plus mystérieux, comme si le cours de l’eau gardait vraiment ce souvenir invisible.
Une immersion en Haut-Languedoc
Au-delà du centre, Saint-Pons s’ouvre déjà sur la nature. Le canyon de Dieuvaille, non loin de là, offre un décor de falaises abruptes et de vasques où l’eau s’engouffre avec puissance. Plus haut, les forêts de châtaigniers et de hêtres couvrent les pentes, idéales pour les randonneurs en quête de fraîcheur.
Partout autour, le Haut-Languedoc se dévoile dans un mélange harmonieux de pierre et de verdure, de villages anciens et de paysages sauvages. Le temps semble ralentir ici, invitant le visiteur à écouter le murmure de la rivière, le souffle du vent et les histoires que les pierres racontent depuis des siècles.
Ce séjour au camping Les Cerisiers du Jaur a transformé ma perception de Saint-Pons. Ce n’était plus un simple nom croisé sur une carte ou un bourg traversé trop vite. C’était devenu une halte pleine de charme, à la fois intime et chargée d’histoire. Une ville qui murmure ses légendes, qui garde la mémoire de son marbre et de son abbaye, et qui reste enlacée par la rivière et la montagne.
