Street Art Sardaigne

Les murales des villages de la Baronia

Au matin, nous descendons vers Orosei. Blottie entre mer et montagne, la Baronia dévoile une mosaïque de villages où l’histoire locale s’écrit aussi sur les murs. De Galtellì à Orosei, en passant par Irgoli et Onifai, ces bourgs tranquilles participent pleinement au grand récit mural de la Sardaigne. Leurs fresques, souvent inspirées de la vie rurale, des traditions artisanales et d’une foi populaire toujours vivace, offrent un regard intime sur l’âme de la région. Ici, chaque façade devient une page ouverte sur le passé et le présent, un art modeste mais profondément enraciné dans la culture baroniese.

Située sur la côte orientale, la Baronia s’étend entre mer et collines verdoyantes. Ses bourgs regorgent de traditions populaires, de petites églises et de peintures murales généreusement réparties dans les ruelles, tandis que ses plages de sable clair rappellent la proximité presque organique entre culture locale et horizon marin.

Nous traversons les villages dans l’ordre : Galtellì, Irgoli, Onifai et enfin Orosei. Chacun possède son caractère, son rythme, sa manière d’exposer son histoire au regard des voyageurs.

Galtellì, d’abord, s’impose par son atmosphère littéraire et spirituelle. Dominé par son château et ses églises romanes, le village fut immortalisé par Grazia Deledda dans Canne au vent. Ses murales racontent la vie campagnarde, les processions, les femmes en habits traditionnels, comme autant de fragments d’un quotidien qui refuse de disparaître.

Irgoli apparaît ensuite, modeste et chaleureux. Ici, les façades s’illuminent d’un foisonnement de fresques évoquant la vie pastorale, les solidarités rurales, les métiers d’autrefois. Le village entier semble être devenu un atelier en plein air, mêlant mémoire locale et créations contemporaines.

À Onifai, l’ambiance se fait plus discrète, presque confidentielle. Ses murales, moins nombreuses mais souvent plus intimistes, mettent en scène le travail agricole, les gestes simples et la forte identité religieuse du village. Onifai invite davantage à la flânerie silencieuse qu’à la collection frénétique de fresques.

Enfin, Orosei offre un contraste éclatant avec ses ruelles médiévales, ses maisons en pierre claire et ses églises baroques. Ici, les murales côtoient les porches sculptés et les cours ombragées, créant un dialogue subtil entre patrimoine ancien et expression populaire. À deux pas de ses plages immenses, le village conjugue culture et nature en quelques pas.

Après cette traversée de la Baronia, cap sur Dorgali, porte d’entrée vers les merveilles naturelles du Golfe d’Orosei. Le village vibre d’un artisanat authentique : bijoux en filigrane ciselés avec patience, poteries aux couleurs chaudes, senteurs de pain encore tiède flottant dans les ruelles. C’est ici que commence une autre aventure, plus minérale celle-ci : la découverte du canyon de Gorropu, l’un des plus impressionnants d’Europe, promesse de falaises vertigineuses et de silence absolu.


Galtellì

Un village entre spiritualité, littérature et traditions rurales

Situé au pied du Monte Tuttavista, à quelques kilomètres d’Irgoli, Galtellì est l’un des villages les mieux préservés de Sardaigne. Son atmosphère médiévale, ses ruelles pavées et ses maisons en pierre lui confèrent un charme authentique. Autrefois dominé par le château de Guzzetti, dont subsistent quelques traces, le village est profondément marqué par l’héritage religieux et littéraire.

Il est célèbre pour avoir inspiré à Grazia Deledda, prix Nobel de littérature, le décor de son roman Canne au vent. Cette empreinte littéraire flotte encore dans les rues et contribue à l’identité singulière de Galtellì.

Un parcours mural sensible et narratif

Galtellì possède un patrimoine muraliste moins prolifique qu’Orgosolo, mais d’une grande finesse. Ses murales racontent les traditions rurales, les rites religieux et les scènes familiales qui rythmaient autrefois la vie du village.

On y rencontre :

Les processions et les fêtes patronales

Les fresques illustrent la Semaine Sainte, les confréries, les vêtements traditionnels : un témoignage saisissant de la foi populaire et de sa place centrale dans la communauté.

Les figures féminines au quotidien

Comme à Irgoli, les femmes apparaissent souvent en costume traditionnel, brodé et lourd de symboles. Elles incarnent la mémoire du village — celles qui transmettent, préservent et soudent.

La vie paysanne

Certaines peintures évoquent la vendange, le battage du blé ou les travaux collectifs d’autrefois. On y perçoit une société fondée sur l’entraide et le rythme des saisons.

Les références à Grazia Deledda

Quelques fresques rendent hommage à l’auteure et à ses portraits sensibles de la Sardaigne rurale. Une manière de relier art muraliste, littérature et patrimoine immatériel.

Conseils de visite

Commencez par la Basilica di San Pietro, joyau roman du XIᵉ siècle, avant de serpenter dans les ruelles où les fresques apparaissent au détour d’un mur. Galtellì se visite lentement, presque en silence, comme on tourne les pages d’un livre ancien.


Le village d’Irgoli

Petite ville de la province de Nuoro, Irgoli se niche entre deux paysages contrastés : au sud se dressent les parois calcaires du Monte Tuttavista, tandis qu’au nord s’étendent les Monti Remule. Située à quelques kilomètres seulement d’Orosei et de la côte orientale, cette localité offre un visage plus discret de la Sardaigne intérieure. Peu mise en avant dans les guides de voyage, elle mérite pourtant le détour, notamment pour son patrimoine « muralistique » riche et coloré.

Un musée à ciel ouvert

Irgoli est un village où les murs parlent. Ses rues abritent des dizaines de fresques murales qui racontent la vie quotidienne, les traditions paysannes, mais aussi des scènes plus contemporaines ou poétiques. Chaque peinture semble être une fenêtre ouverte sur l’âme du village, entre mémoire et créativité.

Quelques fresques emblématiques

  • La vie pastorale : plusieurs peintures représentent des bergers avec leurs troupeaux, un hommage aux activités ancestrales qui ont longtemps rythmé la vie de la région.
  • Les travaux des champs : des scènes de moisson, de vendange ou de préparation du pain rappellent l’importance du cycle agricole et de la solidarité communautaire.
  • Les figures féminines : de nombreuses fresques mettent en avant les femmes sardes, gardiennes des traditions et piliers de la famille. Elles apparaissent souvent dans leurs habits traditionnels, brodés et colorés.
  • Les scènes religieuses : certaines façades portent des représentations de processions ou de fêtes patronales, témoignant de la foi encore vivace dans le village.
  • L’art contemporain : à côté des fresques traditionnelles, on trouve aussi des peintures plus modernes, jouant avec l’abstraction, les couleurs vives ou des thématiques universelles comme l’enfance, la paix ou l’exil.

Le mouvement muraliste en Sardaigne

Le phénomène des murales est né dans les années 1960-1970, d’abord à San Sperate sous l’impulsion de l’artiste Pinuccio Sciola, puis à Orgosolo, qui en deviendra le symbole. À l’origine, ces peintures murales étaient un outil de contestation sociale et politique : elles servaient à dénoncer les injustices, à soutenir les luttes paysannes ou à exprimer une identité sarde parfois marginalisée.

Peu à peu, le mouvement s’est diffusé à travers toute l’île, et des villages comme Irgoli, Tinnura ou Villamar ont à leur tour décoré leurs façades. Les thèmes se sont élargis : mémoire collective, traditions locales, scènes de la vie quotidienne, mais aussi messages universels de solidarité, de paix et de fraternité. Aujourd’hui, ces fresques sont devenues une véritable marque de fabrique culturelle de la Sardaigne, tout en gardant leur ancrage populaire.

Conseils de visite

Pour découvrir les fresques d’Irgoli, commencez votre promenade sur la place où se dresse la Chiesa Parrocchiale di San Nicola. Ensuite, laissez-vous guider par les ruelles : dans presque toutes les directions, les façades dévoilent une nouvelle surprise. L’avantage d’Irgoli est qu’il ne s’agit pas d’un circuit balisé strictement : l’exploration se fait au gré du hasard, ce qui donne tout son charme à la visite.


Onifai

Un village discret au caractère rural affirmé

À mi-chemin entre Irgoli et Orosei, Onifai est l’un des villages les plus tranquilles de la Baronia. Entouré de vignobles, d’oliveraies et de collines basses, il cultive une atmosphère simple et préservée. La vie y est dictée par l’agriculture : vignes, élevage, huile, vin Nepente. Ici, tout respire la ruralité.

Un patrimoine mural modeste mais profondément enraciné

Onifai n’affiche pas un déluge de murales comme Irgoli, mais chaque fresque possède une charge émotionnelle particulière. Le village mise davantage sur la qualité narrative que sur la quantité.

Parmi les thématiques les plus marquantes :

Les travaux agricoles traditionnels

Le labour, la récolte des olives, la préparation du pain carasau : autant de gestes capturés avec sobriété sur les façades. Ces fresques rappellent l’économie agraire qui a forgé l’identité de la communauté.

La religion populaire

Forts de leurs confréries et de leurs rites, les habitants ont inspiré plusieurs murales où apparaissent processions, saints protecteurs et symboles liturgiques.

Les portraits d’habitants

Certaines peintures représentent des personnages réels du village, comme pour figer dans le mur un fragment de leur mémoire collective.

Le lien avec la terre

Les couleurs employées — ocres, bruns, rouges — rendent hommage à la terre fertile qui entoure Onifai et à l’attachement viscéral de ses habitants pour leur environnement.

Conseils de visite

Onifai se découvre à pied, sans carte et sans recherche particulière. Le charme réside justement dans cette modestie : un village où l’art mural n’est pas un spectacle, mais une conversation discrète avec la tradition.


Orosei

Entre mer, patrimoine historique et identité baroniese

Dernière étape avant de rejoindre la côte, Orosei est l’un des bourgs les plus élégants de la région. Son centre historique, un lacis de ruelles médiévales et de places bordées d’orangers, dévoile un patrimoine architectural riche : façades calcaires, portails sculptés, maisons nobles et une impressionnante densité d’églises — près d’une vingtaine.

À quelques minutes seulement de plages superbes, Orosei incarne parfaitement la dualité baroniese : un village où culture, tradition et paysage marin cohabitent étroitement.

Des murales intégrées au décor ancien

À Orosei, les murales ne dominent pas le paysage visuel : elles s’intègrent subtilement à l’architecture ancienne pour créer un dialogue entre passé et présent.

Parmi les thèmes les plus représentés :

Métiers traditionnels

Pêcheurs, artisans, carriers… Orosei rend hommage à ses travailleurs, qui ont contribué à la richesse du territoire.

Vie religieuse

Processions, fêtes de quartier, scènes de dévotion : les fresques témoignent d’une foi qui structure toujours la communauté.

Culture maritime

Certaines peintures évoquent la mer proche : barques, filets, plages, silhouettes de pêcheurs au lever du soleil.

Scènes de convivialité

On y voit des jeux de rue, des repas familiaux, des rassemblements du soir : autant d’instantanés d’une sociabilité encore bien vivante.

Conseils de visite

Le mieux est de commencer par la Piazza del Popolo, puis de serpenter dans les ruelles vers l’église d’Animas ou la Chiesa di San Giacomo. Les fresques apparaissent un peu partout, comme des clins d’œil artistiques dans un décor déjà riche.