**Pierre-Louis Chipon
De la chèvre au métal, l’éleveur devenu sculpteur autodidacte
Pierre-Louis Chipon est un nom qui raisonne avec humour (et un léger crissement de meuleuse) dans les Monts du Vivarais, en Ardèche. Homme de terrain avant tout, il est né en 1958 et a d’abord suivi des études agricoles : un lycée agricole dans l’Ain, un BTS d’élevage à la Bergerie Nationale de Rambouillet, et même un DEUG d’art plastique en poche, juste assez pour faire enrager les puristes des beaux-arts
Installé en 1985 avec sa femme Sylvie dans une ferme au Col de l’Escrinet (entre Aubenas et Privas), Chipon élevait une soixantaine de chèvres et vendait son fromage au bord de la route. Pour signaler à sa clientèle la vente à la ferme, il n’a pas planté un banal panneau. Non. Il a soudé une chèvre en métal faite de vieux outils récupérés un peu partout : fers à cheval, cercles de tonneaux, socs de charrue…
La Chèvre de l’Escrinet, installée en 1986, est rapidement devenue un repère local pour automobilistes et touristes — un peu comme une banane géante au bord d’une autoroute, mais en plus rustique.
Le destin est joueur : face à la demande croissante d’admirateurs (et pas seulement ceux venus acheter du picodon), Chipon finit par arrêter son exploitation agricole pour devenir sculpteur à plein temps.
Fidèle à son esprit pratique de paysan, Chipon ne jette rien. Il récupère méticuleusement des pièces métalliques agricoles inutilisées — outils rouillés, pièces abandonnées — et les transforme en animaux vivants et en personnages expressifs.
Parmi ses thèmes favoris :
- Les animaux de la ferme : chèvres, coqs, lièvres, chats, oiseaux de proie…
- Figures humaines : souvent en interaction avec le monde naturel ou rural.
- Personnages de chasse : par exemple un chasseur et son fils, réalisés pour la Fédération de chasse de l’Ardèche.
- Œuvres en fer détourné exposées dans des espaces publics ou privés, parfois jusqu’à la Drôme voisine.
On pourrait presque dire qu’il fait parler la vieille ferraille, qui retrouve sous ses doigts une seconde vie aussi expressive qu’un coureur de fond ardéchois après une rando de 20 kilomètres.
Quelques Œuvres emblématiques
Voici quelques pièces marquantes de son travail :
- La Chèvre de l’Escrinet (1986) : sculpture métallique qui est devenue un symbole local sur le col.
- La Chèvre et l’Enfant (1996) : version suivante du célèbre emblème, visible en descendant vers Aubenas.
- La Bergère (2000), Les Chevaux (2002), L’Aigle (2015) : sculptures figurant dans des parcours d’art locaux, réalisées avec des pièces récupérées.
- Scènes de chasse et personnages animés pour la Fédération des chasseurs et d’autres commanditaires.
- Des projets ou œuvres présentés dans des expositions artistiques régionales, notamment au Domaine des Ranchisses.
Chaque création est un peu comme un puzzle sauvage, où l’ancien outil agricole joue un rôle nouveau, presque théâtral, dans la vie d’un animal ou d’un humain figé pour l’éternité — ou au moins jusqu’à la prochaine balade au col.
Si l’anecdote de l’éleveur devenu sculpteur pourrait faire sourire (c’est un peu le Michel-Angelo des clous et des faux-charrues), le travail de Chipon est apprécié pour sa créativité et sa capacité à insuffler de la vie dans des matériaux bruts.
Il a été invité à exposer, à travailler sur des aménagements artistiques de villages, et à répondre à des commandes, preuve que son style, longtemps perçu comme une curiosité, a su conquérir un public plus large.
À une époque où l’art contemporain se perd parfois dans des concepts difficiles, Chipon reste ancré dans la terre ardéchoise : il sculpte ce qu’il connaît, ce qu’il a vécu, ce qui l’entoure. Ses œuvres ne sont pas seulement décoratives : elles racontent une histoire — la sienne, mais aussi celle du monde rural, des animaux et des gens qui vivent dans ces paysages escarpés.
Col de l’Escrinet (Ardèche)
La chèvre et l’enfant (1996)

Plus qu’un rond-point, un repère. Au sommet du col, entre Aubenas et Privas, la Chèvre et l’Enfant, sculpture de métal signée Pierre-Louis Chipon, veille sur la vallée. Agriculteur devenu agri-sculpteur, l’artiste a recréé cette œuvre en 1996, après la vente de la première chèvre née en 1986, devenue entre-temps un véritable symbole local.

Sur les bord des routes ardéchoises une histoire sans voix : La chèvre musicale ! Ce petit chef-d’œuvre graphique et humoristique n’est donc pas un animal vivant jouant du banjo — désolé pour les espoirs de rock caprin — mais une sculpture, devenue au fil du temps un symbole culturel. Plus d’infos
Rond-Point Du Sagittaire à Vinsobres (Drôme 26110)
Sur la route départementale D94 à Vinsobres, le Rond-Point du Sagittaire se signale à l’œil du voyageur non seulement par sa fonction routière, mais surtout par son décor singulier. Installé et décoré à l’initiative du comité des vignerons du cru — pour rappeler l’attachement local à la vigne et au terroir — ce rond-point abrite trois grandes sculptures en métal représentant une scène champêtre animée : un homme maniant une houe, une femme cueillant une grappe, et un enfant recueillant fiévreusement le fruit de la vigne. L’artiste ardéchois Pierre-Louis Chipon, sollicité pour l’occasion, a assemblé ces figures à partir de pièces agricoles usagées, soudures et découpes donnant vie à une scène qui célèbre la viticulture tout en détournant, avec humour et poésie, les matériaux du quotidien. Entourés de plants de vigne intégrés à la composition, ces personnages métalliques incarnent une vision artistique modeste mais attachante.

Rond-point de Dieulefit (Drôme 26220)
Au cœur de Dieulefit, petit bijou de la Drôme provençale réputé pour sa céramique et son engagement artistique, le rond-point ne se contente pas d’être un simple carrefour : il joue aussi la carte de l’humour local. Là, un troupeau de chèvres métalliques y trône fièrement, en hommage au picodon, ce fromage de chèvre AOC qui fait la fierté des vallons ardécho-drômois ; chaque chèvre, modelée avec fantaisie, adopte une posture différente, parfois équipée d’accessoires — reflet d’un artisanat joyeux et d’une identité rurale assumée.

Ces sculptures sont l’œuvre de Pierre-Louis Chipon, sculpteur déjà rencontré à Vinsobres et ancien éleveur de chèvres lui-même, qui apporte à travers le métal une incarnation presque narrative du terroir local. Sur ce rond-point, l’art ne se montre pas guindé mais malicieux, un clin d’œil sculpturel à une des productions les plus savoureuses de la région, invitant le visiteur à sourire autant qu’à ralentir pour mieux regarder.
Rond point de Saint Sernin.
Sur la route d’Ardèche, à Saint-Sernin, un rond-point a troqué la grisaille du bitume contre une petite scène champêtre sculptée, un brin rustique et délicieusement narrative. Là, au milieu des oliviers ardéchois, des figures en métal représentent un couple de cueilleurs d’olives — l’homme tend une perche, la femme recueille les fruits dans un plateau — rappelant par là même l’importance historique de l’oléiculture dans la région depuis le Moyen Âge. Cette œuvre joyeuse, façonnée par Pierre-Louis Chipon, artiste métallique bien connu des amateurs de ronds-points décorés (à Vinsobres il y a quelques années), rend hommage non seulement à un terroir mais à un geste partagé : celui de travailler la terre et d’en tirer l’huile qui fait la fierté des tables du Sud-Est. Ainsi, en traversant ce carrefour, on n’est plus seulement automobiliste : on devient spectateur d’un petit épisode de vie locale, figé dans l’acier, qui donne envie de ralentir — même si ce n’est que pour admirer la scène.

Pour prolonger cette exploration de l’art au bord des routes, voir également Rendons visite à André Debru : sur les routes du Larzac et de l’Aveyron, sa faune métallique compose une véritable transhumance immobile, une caravane de créatures familières et fantastiques veillant silencieusement sur les voyageurs.
Sur les sentiers du rugby et de l’art, Jean‑Pierre Rives transpose la fougue du terrain en sculpture : ses œuvres vibrent de mouvement et d’énergie, capturant l’élan des corps et la passion des matchs dans des formes métalliques et sensuelles, comme un vestige d’adrénaline figé pour l’éternité.
Dans les petites rues et sur la petite place du village de Mourèze, Emmanuel Commeto cueille l’histoire des vagues : du bois flotté ramassé au fil des marées naissent des sculptures à la fois poétiques et vigoureuses, où chaque veine raconte une aventure et chaque forme invite au rêve immobile.





