Rencontre avec une Oeuvre de Rives
Habitué de cette route entre Narbonne et Narbonne-Plage, je ne m’attendais pas à ce que le paysage me surprenne. Pourtant, à l’entrée du Domaine de l’Hospitalet, un grand choc visuel attend le voyageur : une sculpture monumentale de Jean‑Pierre Rives, trônant là comme un gardien silencieux. Le métal brut, plié, torsadé, capte la lumière et défie la gravité, imposant à la fois force et poésie.

Qui c’est ?
Né en 1952 à Toulouse, Jean‑Pierre Rives a été un troisième ligne réputé et le capitaine du XV de France entre 1975 et 1984, avec 59 sélections. Son style de jeu engagé et spectaculaire lui a valu le surnom de “casque d’or”. Il a marqué l’histoire du rugby français notamment dans les Tournois des Cinq Nations, incarnant à la fois courage, rigueur et charisme.
Sa reconversion artistique
Après sa retraite sportive, Rives s’est entièrement consacré à la sculpture et à la peinture. Ses œuvres, souvent réalisées en métal — IPN, acier ou structures monumentales — explorent des formes abstraites, fluides et poétiques, où l’on devine encore la force et l’énergie d’un rugbyman.

Son succès artistique
Ses sculptures sont exposées dans le monde entier et ont été reconnues par l’État français : Officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre du Mérite. Parmi ses réalisations les plus emblématiques : des pièces monumentales dans des villes comme Paris, New York, Sydney ou Milan, ainsi que des inaugurations récentes comme « L’Infini » à Toulouse devant La Dépêche du Midi.

Je me suis souvenu de mon erreur initiale : j’étais presque certain que Rives avait joué à Béziers dans les années 80-90. En réalité, sa carrière s’est déroulée au Stade Toulousain puis au Racing Club de France, et il n’a jamais porté le maillot rouge et bleu. Pourtant, Béziers est omniprésent dans nos souvenirs du rugby de cette époque… et Narbonne aussi, forcément, puisque j’y habite — une « tête plate », comme disent les Biterrois. Les grands clubs, la force et la passion de ce rugby, tout concourt à créer ce lien dans la mémoire collective.

C’est donc sur cette route, entre habitudes locales et découvertes réelles, que je me suis retrouvé face à l’art contemporain de l’ancien rugbyman. Les IPN, ces poutrelles industrielles qu’il façonne avec audace, prennent ici une dimension poétique. Elles jouent avec l’espace, la lumière et la gravité, donnant à voir la puissance et la fluidité d’un geste qui n’appartient plus au terrain mais à l’imaginaire.
Le Domaine de l’Hospitalet, avec ses vignobles soignés et son cadre méditerranéen, offre un écrin idéal à l’œuvre. Le contraste entre le métal brut et la douceur des vignes est saisissant : le geste de Rives dialogue avec le paysage, transformant un détour routier en moment suspendu, presque méditatif. (juillet 2010)
Découvrir une sculpture de Rives est une expérience singulière : elle surprend, elle interpelle, elle transforme le banal en moment mémorable. Et c’est peut-être là toute la magie de ses œuvres : faire passer du rugueux et du brutal du rugby au poétique et au monumental de l’art, sans jamais trahir ni l’un ni l’autre.

Pour prolonger cette exploration de l’art au bord des routes, voir également Rendons visite à André Debru : sur les routes du Larzac et de l’Aveyron, sa faune métallique compose une véritable transhumance immobile, une caravane de créatures familières et fantastiques veillant silencieusement sur les voyageurs.
Entre collines ardéchoises et ateliers de récupération, Pierre‑Louis Chipon fait parler la ferraille oubliée : ses animaux et personnages prennent vie à partir de vieux outils et morceaux de métal, donnant naissance à une faune insolite qui veille, un peu malicieuse, sur les routes et les paysages ruraux.
Dans les petites rues et sur la petite place du village de Mourèze, Emmanuel Commeto cueille l’histoire des vagues : du bois flotté ramassé au fil des marées naissent des sculptures à la fois poétiques et vigoureuses, où chaque veine raconte une aventure et chaque forme invite au rêve immobile.







