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La porte marocaine de Hanoï

C'est l'un des monuments les plus insolites et les plus méconnus de la capitale du Vietnam. La porte du Maroc constitue pourtant, un symbole de l'inter culturalité entre le Maroc, le Vietnam et avec le temps, avec la France.

Il faut creuser dans l'histoire pour comprendre pourquoi et comment une telle porte s'est retrouvée entre parcelles de rizières, maisons tonkinoises et au pied de la montagne de Ba Vi. La porte du Maroc est le seul ouvrage architectural arabo-musulman qui existe encore dans cette partie du monde. Elle est de ce fait, unique !

L'histoire de la porte

La porte du Maroc n'a pas été construite près du centre-ville de Hanoï, mais elle se trouve sur le territoire communal, depuis que celle-ci s'est considérablement élargie en englobant les anciennes provinces périurbaines. Elle se trouve exactement dans la commune de Tản Lĩnh, dans le district de Ba Vì, à 60 km à l'ouest de Hanoï, comptez environ 1h30 pour vous y rendre en véhicule.

Si une porte du Maroc subsiste au Vietnam, c'est qu'au temps de l'Indochine française, le Maroc était à la même époque, un protectorat français (comme furent le et le Cambodge).

De ce fait, durant la première guerre d'Indochine (fin 1946-1954), qui opposa les Français aux troupes indépendantistes du Viet Minh, des soldats marocains ont été enrôlés en Indochine aux côtés des troupes coloniales françaises.

Ces troupes ont par la suite, désertées l'armée française pour rejoindre les troupes du Viet Minh (leur nombre reste difficile à estimer). Derrière cette manœuvre, Hô Chi Minh avait demandé au parti communiste marocain d'envoyer un syndicaliste pour sensibiliser les soldats marocains à lutte de l'indépendance du Vietnam.

Ce syndicaliste s'appelait Mohammed Ben Aomar Lahrech Maarouf et fut surnommé par le président Hô Chi Minh « Anh Ma », c'est-à-dire le « Frère Cheval ».

La porte Bab Al Maghariba avant sa restauration
La porte marocaine de Hanoï

Saisis de la nostalgie du pays natal dans cette terre étrangère, des soldats marocains décident d'ériger en 1963, une porte à arcades rappelant celles qui ornent l'entrée des médinas marocaines. Ils l'appelleront «Bab Al Maghariba». Elle leur permet de revivre le souvenir lointain du pays qu'ils avaient jadis connus et dont la guerre les a éloignés. Seulement après le retour des soldats au Maroc, la porte a été assaillie par la jungle, de la végétation a commencé à pousser dessus. Mais la porte est restée debout comme symbole de résistance.

Noircie par les poussières et par l'humidité, elle a bénéficié d'une rénovation complète en 2018, grâce à l'Agence marocaine de coopération internationale, avec l'ambassade du Maroc au Vietnam. Pour l'occasion, elle s'est vue inscrire au-dessus de son arche centrale : porte du Maroc en vietnamien (Cổng Ma Rốc), en arabe et en anglais.

L'architecture de la porte

Elle détonne bien entendu dans ce doux paysage rural composé de rizières, arbres fruitiers, petits villages tonkinois et les crêtes de la montagne de Ba Vi. La porte comporte des éléments bien connus de l'architecture traditionnelle arabo-musulmane : arcs brisés et décoratifs, motifs arabes, muqarnas (petites niches), petits crénelés, etc. Elle est un peu une réplique plus modeste de la porte Bab Al Mansour à Meknès ou encore la porte Bab Boujloud à Fès.

La porte du Maroc de Hanoï s'est en partie inspirée de la porte Bab Al Mansour à Meknès.

Porte Bab Al Mansour à Meknès

Après la guerre

Au lendemain de la bataille de Dien Bien Phu et la fin de la guerre d'Indochine en 1954, le président Hô Chi Minh avait demandé la mise en place d'une plantation vietnamo-africaine à l'ouest de Hanoï. C'est ici, que pendant quelques décennies, les anciens soldats marocains ont vécu dans une parfaite cohabitation avec des Vietnamiens. La plupart ont fini par s'installer dans la région avec leurs femmes vietnamiennes. Beaucoup ont aussi pu revenir dans leur pays natal avec leurs familles vietnamiennes, notamment lorsqu'en 1972, le gouvernement chérifien autorisa 70 combattants et leurs familles à retourner au Maroc.
Le tableau est moins rose pour les enfants des pères marocains décédés au Vietnam, qui n'ont jamais pu apercevoir le pays de leurs origines et qui vivent parfois dans des conditions difficiles. Pour ces personnes, près de 70 ans après la fin du conflit, elles espèrent toujours que les autorités marocaines et françaises prennent en main leurs responsabilités.

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