Urbex Thaïlande

Urbex hôtel inachevé à Ranong Thaïlande

Quand on arrive dans la petite ville frontalière de Ranong, on ne peut pas manquer un immeuble abandonné qui se profile sur la route nationale 4 reliant Bangkok au sud profond du pays.

(*) Ranong est à quelques minutes en bateau de Kawthoung au Myanmar.


Un décor de cinéma entre mystère et déclin

Perché sur une colline surplombant la route nationale 4, à la périphérie de Ranong, un hôtel inachevé se dresse comme une cicatrice du passé. Construit à la fin des années 1990, cet ambitieux projet a été stoppé net par la crise financière asiatique de 1997. Aujourd’hui, sa structure imposante, envahie par la végétation, est devenue une curiosité pour les amateurs d’exploration urbaine… et un décor de cinéma inattendu.


Son accès n’est pas évident en raison de la végétation luxuriante. Nous avons d’abord tenté d’emprunter un sentier derrière le bâtiment, mais il était trop dense pour être praticable. Alors que nous réfléchissions à une alternative, un homme nous a demandé si nous cherchions quelque chose. Après un bref échange, il nous a indiqué un chemin.

Grâce à ses indications, nous avons atteint l’entrée principale. L’intérieur du bâtiment était sombre et humide, l’eau suintait du plafond et formait des flaques glissantes au sol.

Nous avons exploré plusieurs niveaux, découvrant des pièces vides aux murs décrépis, des escaliers précaires et quelques meubles en ruine.

L’instant le plus marquant de notre visite fut la rencontre inattendue avec un varan massif, surgissant d’un tas de gravats avant de disparaître dans l’obscurité. Un dernier frisson avant que nous ne quittions les lieux, laissant derrière nous cet hôtel oublié, figé dans un silence pesant.


Un lieu de tournage pour The Isthmus

En 2013, cet hôtel abandonné a été choisi comme l’un des principaux lieux de tournage du film The Isthmus, réalisé par Sopawan Boonnimitra et Peerachai Kerdsint. Le long-métrage raconte l’histoire troublante de Da, une mère thaïlandaise dont la fille se met soudainement à parler couramment le birman après la mort de leur domestique. En quête de réponses, Da se rend à Ranong, ville frontalière sur l’isthme de Kra, où elle plonge dans une réalité complexe mêlant identité, frontières culturelles et mémoire collective.

L’atmosphère unique de l’hôtel abandonné, avec ses couloirs délabrés, ses murs marqués par le temps et son silence pesant, a parfaitement servi l’ambiance du film. Le bâtiment y apparaît comme un lieu de transition, à la fois physique et symbolique, reflétant les thèmes de l’exil, du deuil et de la barrière invisible entre deux mondes.


Un passé trouble et une réputation hantée

Avant d’être immortalisé au cinéma, l’hôtel était déjà au cœur de nombreuses légendes locales. Selon certaines rumeurs, des ouvriers auraient trouvé la mort sur le chantier, et leurs esprits hanteraient encore les lieux. Cette réputation a contribué à son abandon prolongé : la superstition dissuade toute tentative de réhabilitation, et rares sont ceux qui osent s’aventurer dans ses ruines une fois la nuit tombée.

Ajoutez à cela des conditions de sécurité précaires, avec des escaliers à moitié effondrés et des sols glissants sous l’effet de l’humidité persistante, et l’hôtel devient un site à la fois fascinant et dangereux. Pourtant, ces caractéristiques en font aussi un lieu d’exploration prisé par quelques curieux et cinéastes en quête d’un décor brut et authentique.


Un témoignage du passé figé dans le temps

Aujourd’hui encore, l’hôtel de Ranong reste une énigme. Abandonné, interdit d’accès et pourtant toujours debout, il incarne le poids du passé et les espoirs inachevés. Grâce à The Isthmus, il a trouvé une seconde vie à l’écran, devenant un témoin silencieux de l’histoire culturelle et sociale de cette région frontalière entre la Thaïlande et le Myanmar.

Qu’on le considère comme un lieu hanté, un chef-d’œuvre oublié ou un décor de film mémorable, une chose est sûre : l’hôtel abandonné de Ranong ne cesse d’attiser la curiosité et d’alimenter les récits.

Informations supplémentaires et emplacement
GPS: 9°57’44.5″N 98°38’14.5″E


Les Swallow Condos – « Les hôtels d’hirondelles »

En plus de cet hôtel abandonné, Ranong compte de nombreux bâtiments laissés à l’abandon à la suite du ralentissement économique, comme c’est le cas dans de nombreuses autres provinces du pays. Cependant, ces dernières années, certains de ces édifices ont trouvé une seconde vie. Des hommes d’affaires chinois et malaisiens les ont rachetés en grand nombre pour en faire des Swallow Condos, des structures dédiées à l’élevage d’hirondelles.

Aujourd’hui, la province de Ranong compte plus de 200 bâtiments de trois étages ou plus, incluant d’anciens édifices réhabilités ainsi que de nouvelles constructions spécialement conçues pour accueillir ces oiseaux. Ces bâtiments doivent être sombres, offrir une atmosphère proche de celle d’une grotte et être exempts de toute perturbation, conditions idéales pour que les hirondelles y établissent leur nid.

L’élevage d’hirondelles connaît un regain d’intérêt, car les nids de bonne qualité (AAA) se vendent à un prix particulièrement élevé.


La soupe de nid d’hirondelle

La soupe de nid d’hirondelle est un mets de luxe en Asie, particulièrement prisé en Chine, où un bol peut coûter environ 70 euros. En Thaïlande, qui est l’un des pays producteurs, son prix reste élevé, entre 25 et 30 euros, soit environ dix fois plus cher qu’un plat traditionnel.

Cette différence de prix s’explique par plusieurs facteurs :

  • La rareté et la récolte délicate : Les nids sont constitués de la salive solidifiée des hirondelles et doivent être collectés avec précaution, souvent dans des grottes ou des Swallow Condos.
  • Le processus de purification : Avant d’être consommés, les nids doivent être nettoyés minutieusement pour enlever les impuretés.
  • La forte demande en Chine : Considérée comme un aliment aux vertus médicinales et un symbole de prestige, la soupe est très prisée par les classes aisées chinoises, ce qui fait monter les prix.

En Thaïlande, malgré un coût plus abordable qu’en Chine, elle reste un luxe réservé aux connaisseurs et aux touristes en quête d’expériences gastronomiques uniques.