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Joachim Grassi – Architecte.

 Austro-Italo-Francais à Bangkok, pendant 23 ans (1870-1893).

Joachim Grassi (en italien Gioachino Grassi) est né le 28 décembre 1837 à Capodistria et mort le 19 août 1904 à Trieste.
Architecte porteur de trois nationalités, autrichien par les hasards de l’histoire, italien de souche, français par choix, et il a travaillé pour le gouvernement siamois et la haute société siamoise à la fin du XIXème siècle.
Il a été parmi les premiers architectes européens sinon le premier, employé par le roi Chulalongkorn et a largement contribué à l’architecture de Siam lors de sa modernisation.

Les origines.
Pourquoi cette triple nationalité ?
Sa ville de naissance, Capodistria (Capodistrie) est en Istrie. En 1837, l’Istrie était en Bosnie-Herzégovine autrichienne.
Aujourd’hui la ville s’appelle Koper et elle est en Slovénie tout en étant revendiquée par la Croatie.
L’Istrie à été grecque, romaine, byzantine, vénitienne, autrichienne, française et partagée entre l’Italie et la Yougoslavie en 1945.
Après l’explosion de la Yougoslavie, l’Istrie est devenue pour une grande partie croate, resta pour une petite partie italienne mais Capodistrie devint Slovène.
Quant à Trieste, la ville où revint mourir notre architecte, son histoire fut tout aussi chaotique mais elle était toujours autrichienne à la date de sa mort.

Joachim appartenait à une famille notable de l’ancienne noblesse vénitienne.
Nous savons peu de choses sinon rien sur son éducation et sa formation.
Toujours est-il qu’en 1870, il rejoint le Siam au bénéfice probablement du traité d’amitié signé entre ce pays et l’Autriche-Hongrie en 1869.

Il ne s’inscrit pas à Bangkok sur la liste des protégés austro-hongrois ni sous la protection italienne bien que le traité d’amitié entre l’Italie et le Siam date de 1863 mais sous la protection française en 1883. Son choix fut l’œuvre du consul, Jules Harmand qui « travaillait au corps » les étrangers résidant à Bangkok.

Peut-être aussi Grassi y-a-t’il vu la possibilité de travailler également dans l’Indochine française ?
Nous n’avons en tous cas trouvé aucune trace de ses prestations au Vietnam ou au Cambodge.
Nous savons que le 29 mars 1889 au Consulat de France à Bangkok s’est présenté devant Louis Finot, attaché de consulat, M. Grassi (Joachim), entrepreneur en génie civil et protégé français, résidant à Bangkok, qui déclare la naissance de trois fils, tous né à Bangkok, Félix Auguste, en 1880, Eugène César, en 1881, le « compositeur siamois » dont nous reparlerons longuement, mort « français à part entière » et Georges Raphaël, né en 1884, tous déclarés comme enfants naturels, sans mention de leur mère.
Le nom de la mère est porté sur l’acte de décès de notre musicien, le 8 juin 1941 dans un hôpital parisien en pleine guerre, « âgé de 60 ans, fils de Joachim Grassi et de Lucie Nho, sans autre information connue de l’informateur », l’état matrimonial du défunt est mentionné comme « inconnu du dit informateur ».
Nous ignorons ce que sont devenus ses deux frères, restés à Bangkok ? Nous n’avons trace que de Felix qui tenait un cabinet d’ingénieur en génie civil à Bangkok en 1914.
« Lucie Nho » un nom asiatique et un prénom chrétien, Chinoise ?
Indochinoise catholique dont la famille avait fui les persécutions annamites au dix-neuvième siècle ?
Cambodgienne peut-être ?
Bouddhiste ?
La question reste posée. Lors du départ du père en 1893, les trois garçons sont en tous cas restés à Bangkok avec leur mère.

Joachim restera au Siam jusqu’en 1893, chassé par l’incident de Paknam et retournera ensuite dans son pays natal (Italie encore autrichienne) pour continuer sa profession d’architecte et mourir sous la nationalité autrichienne à Trieste le 19 août 1904. Il est inhumé au cimetière de Trieste.  aux côtés de son fils Oscar.

De retour en Autriche, à près de soixante ans, il épouse en 1897 la sœur d’un associé au sein de la Grassi Brothers & Co, probablement autrichienne, Amalia Margaritha Josepha Stölker, née le 10 février 1857, qui lui donna deux fils, le premier en 1897, Ugo et Oscar en 1900 dont la descendance est toujours subsistante dans le Frioul. Ils ont tous repris la particule («de Grassi») que portaient leurs ancêtres vénitiens.

Joachim Grassi

Joachim ouvrit dès son arrivée au Siam un cabinet d’architecture qui connut très vite un succès fulgurant, bénéficiant de nombreuses commandes officielles puis privées.
Ce succès tenait probablement au fait que ses prestations correspondaient parfaitement aux goûts du roi.
Il fut rejoint en 1881 à Bangkok par ses deux frères, Giacomo, né à Capodistria le 10 avril 1850, un ingénieur, qui mourut du paludisme le 13 octobre 1890, enterré dans le cimetière chrétien sur la route de Silom,

… et Antonio, sculpteur, qui vécut au Siam de 1877 à 1885, né à Capodistria le 16 janvier 1841 et mort à Florence le 28 juin 1887.

Ils fondèrent la Grassi Brothers & Co, enregistée au consulat Austro-Hongrois en 1883, qui existe toujours.

Elle comprend des constructions résidentielles et des bâtiments publics, une architecture de style occidental interprétée de façon siamoise : Joachim construisit des immeubles de style occidental variant d’une construction à l’autre en fonction des goûts de ses clients.
D’autre part, ses méthodes de construction, la conception des plans du bâtiment et celle de leur architecture reposent sur des principes classiques et sur un dessin romantique du 18ème et du 19ème siècle.
L’architecture de Grassi est en relation étroite avec les conditions socio-économiques locales et la situation politique du Siam sous le règne de Rama V. Pendant les 23 ans de sa présence au Siam, il s’est concentré sur l’architecture classique et romantique sans jamais changer ses goûts artistiques. Toutefois, les conditions climatiques l’ont conduit à modifier la forme de ses toitures partant du plat vers des toitures galbées.
Il fut ensuite conduit à ajouter des vérandas pour faciliter la ventilation. Dans les bâtiments résidentiels, il concevait un hall principal à l’avant entouré de petites pièces de moindre importance.
Les chambres étaient en général situées vers l’intérieur dans les parties privatives. Dans les bâtiments publics, il respectait des plans classiques utilisant une stricte symétrie. Il dessinait en général un fronton de style grec en façade.
Les pièces d’habitation étaient installées dans des ailes aussi symétriques. Son architecture reflète à la fois ses soucis esthétiques en fonction de goûts très classiques mais aménagés en fonction des conditions siamoises, à la recherche d’un nouveau style architectural dans le souci de marcher vers « la civilisation ».

Nous ne parlerons que de quelques-unes de ses réalisations, celles qui me semblent les plus significatives.


1870 : Le Ministère des finances devenu le musée du textiles.

Le Ministère des finances devenu le musée du textiles.

Queen Sirikit Museum of Textiles. Situé dans le complexe du palais royal, cette structure de style européen construite à partir de 1870, fut l’une des premières réalisations de Grassi. Elle fut d’abord le ministère des Finaces.
A l’initiative de la Reine Sirikit il a été restauré en 2003 et est devenu un musée consacré à la présentation des plus belles pièces de sa garde-robe royale.
La soie, tissée selon les techniques thaïes ancestrales, a bien évidemment la part belle.
Robes de cérémonie et de soirée traditionnelles voisinent avec de sublimes tenues dessinées par le styliste français Pierre Balmain, mais aussi avec quelques pans de tissus anciens.
Au fil de l’exposition, les modèles présentés offrent un bel aperçu des évolutions du style thaï. Ne partez pas sans passer par la boutique du Museum of Textiles, qui présente de très beaux objets d’artisanat..


1872 : Le Palais royal de Bang Pa-in.
Phra Ratchawang Bang Pa-in, construit à Ayuthaya par le roi Prasat Thong en 1632, il fut abandonné jusqu’à ce que le roi Mongkut commence à le restaurer. Les bâtiments actuels, œuvre de Grassi, ont été construits entre 1872 et 1889 sous le règne du roi Chulalongkorn.

JOACHIM GRASSI, ARCHITECTE AUSTRO-ITALO-FRANÇAIS À BANGKOK PENDANT 23 ANS (1870-1893).

1875 : Le consulat du Portugal.
Sathankongsun Khong Prathet Protuket ( consulat du Portugal )
Ce bâtiment a été édifié en 1875. Il est actuellement le plus ancien des immeubles diplomatiques de Bangkok.

Street Art sur le mur de l’Ambassade du Portugal

JOACHIM GRASSI, ARCHITECTE AUSTRO-ITALO-FRANÇAIS À BANGKOK PENDANT 23 ANS (1870-1893).

1878 : Le Wat Niwet Thammaprawat.
Voilà le singulier exemple d’un bâtiment sacré du bouddhisme de style néogothique construit par un architecte occidental, probablement le seul dans le pays, selon les désirs du roi.

Édifié en face du Palais Bang Pa-in à Ayuthaya en 1878, il est décoré de très beaux vitraux et d’un inhabituel cadran solaire.
Seule la présence de statues de Bouddha nous rappelle qu’il ne s’agit pas d’une église catholique.


1880 : Monument de la reine Sunanda dans le parc de Saranrom.
La reine consort Sunanda mourut prématurément en 1880.
Le roi fit édifier ce monument dans le parc Saranrom, une bulle de verdure en plein Bangkok.
Peut-être aussi faut-il y voir la griffe de son frère Antoine le sculpteur ?


1881 : Le Palais «Windsor» ( Windsor – Wang Winsoe).
Ce palais de style gothique et romantique, bien mal nommé par les occidentaux en raison d’une ressemblance plus ou moins réelle avec le palais Windsor, fut construit sur ordres du roi Chulalongkorn en 1881 pour servir de résidence au prince héritier Vajirunhit, son premier fils né de la reineSavang Vadhana le 27 juin 1878. 
Il est devenu plus tard une partie de l’université de Chulalongkorn mais a ensuite été démoli pour faire place à la construction du stade de Suphachalasai
Pour les Siamois, il était Wang Klang Thung « le palais du milieu de terrain » ou Wang Mai « le nouveau palais ».
Le petit prince, mort en 1895, n’eut pas le temps d’y vivre.


1883 : L’Église de l’Immaculée Conception à Bangkok. « Conception Church »
Fondée par Monseigneur Jean-Baptiste Pallegoix en 1837, elle a été construite dans un style relativement baroque.
Egalement connue sous le nom de Wat Khamen, est la plus ancienne église catholique de Thaïlande
En 1883 Joachim Grassi a ajouté le clocher de style néo-roman à la façade ouest.



1884 : Le fort Chulachomklao.
Pomphrachunlachomklao construit en 1884, aujourd‘hui musée.
C’est de là que la marine siamoise tenta de s’opposer en vain à l’incursion française de 1893.


1887 : Le Ministère de la défense.
Le Bâtiment du ministère de la Défense est en face du Temple du Bouddha d’Émeraude. Initialement, le ministère s’appelait Krom Kalahom
sa constructio date de 1887.
C’est un bâtiment de style européen de couleur jaune qui servait de caserne à la Garde royale. Il est toujours en place.


Old Customs House – 1888 : L’ancien bâtiment des douanes.
Construit entre 1888 et 1890, ce bâtiment situé non loin de l’ambassade de France et de l’hôtel Oriental fut longtemps « la porte du Siam » aujourd’hui occupé par les pompiers et dans un triste état.



Joachim Grassi fut incontestablement un pionnier, arrivé à Siam sans aide, sans moyens, sans connaître le pays ni son langage, il a dû faire son chemin seul. Il a  façonné la capitale à la fin du XIXème siècle au terme d’une ascension rapide et écrasante.

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