Urbex France,  Villages abandonnés de France,  5) Haute Vienne

Oradour-sur-Glane, Haute-Vienne.

Village martyr

Après un week-end très animé, (voir l’article sur Limoges) nous avons décidé d’aller découvrir un des hauts lieux de mémoire de l’Histoire de France situé à environ 25 km de Limoges. (30 à 35 minutes en bus ligne 12) l’allez retour est possible dans la journée.

Difficile d’imaginer, en parcourant le limousin, que cette région connut un des épisodes les plus dramatique de la seconde guerre mondiale en France.

Tristement célèbre pour le massacre qui y fut perpétré pendant la Seconde Guerre mondiale, Oradour-sur-Glane a été conservé à des fins mémorielles. Il fut ainsi décidé de construire un nouveau bourg à proximité, qui compte aujourd’hui plus de 2400 habitants.

Un peu d’histoire : Le 10 juin 1944 4 jour après le débarquement de Normandie, une unité de la division SS Das Reich massacra les habitants et incendia le village. Les ruines demeurent l’essentiel.
Elles sont simplement dégagées de toute végétation parasite et discrètement étayées ; les pelouses sont tondues. Peu importe la foule ou les vacanciers, le visiteur sera pris par le silence, d’autant plus grand qu’il s’échappera de la rue principale.
Au milieu des maisons : une machine à coudre rouillée, des carcasses d’automobiles, d’humbles souvenirs des métiers qui animaient un bourg ordinaire de la France de 1944.
Les rails du tramway et les poteaux sont toujours en place. Pour préserver la mémoire du drame, le village martyr d’Oradour sur glane est conservé en l’état depuis 1944.

   « Oradour-sur-Glane est le symbole des malheurs de la patrie. Il convient d’en conserver le souvenir, car il ne faut plus jamais qu’un pareil malheur se reproduise. »

Charles de Gaulle, Oradour-sur-Glane, 4 mars 1945.

Charles de Gaulle, Oradour-sur-Glane, 4 mars 1945.

Entre le village martyr et le bourg reconstruit

Sur le rond-point, trait d’union des deux village, une sculpture de l’artiste Appel-les Fenosa rend hommage « Aux Martyrs d’Oradour » : 642 victimes civiles innocentes dont 246 femmes et 207 enfants.
Cette œuvre possède aussi sa propre histoire.
Fenosa, réfugié en France depuis la défaite des Républicains espagnols, séjournant entre Paris et Limousin, en reçut commande en octobre 1944. Il en réalisa le modelé en terre au cours de l’hiver suivant, puis la pièce fondue en bronze par le sculpteur Alexis Rudier fut exposée à l’automne 1945 au salon des Surindépendants à Paris.

L’accueil de la critique fut favorable, notamment de la part du quotidien La Croix … et pourtant l’évêque de Limoges, cul-bénit sans doute choqué par la vision de la nudité d’une femme enceinte au corps léché par les flammes, s’éleva contre le projet de faire de cette sculpture le monument commémoratif du massacre d’Oradour.
L’œuvre entra alors dans les collections du Musée national d’Art moderne puis, au milieu des années 1960, échoua même dans les réserves.
Elle en sortit en 1980 lorsqu’un arrêté du ministre de la Culture décida de la mettre en dépôt à Oradour. Mais la sculpture fit halte à Limoges sur un rond-point des boulevards extérieurs où elle séjourna presque vingt ans. Elle trouva enfin son emplacement actuel en juin 1999.
Sur le socle, on peut lire désormais cette phrase de Paul Éluard : « Ici, des hommes firent à leurs mères et à toutes les femmes la plus grave des injures : ils n’épargnèrent pas les enfants ».

Du pied de cette sculpture, on jouit d’une vision à 360 degrés sur le bourg actuel d’Oradour, avec au premier plan son église ainsi que le village martyr et le Centre de la mémoire inauguré par le président Jacques Chirac en juillet 1999.

Le centre de memoire.

Le Centre de memoire comme son nom l’indique, est là pour perpétuer un message de mémoire que les ruines seules, avec la fuite inexorable du temps, ne pouvaient continuer à assurer. Beaucoup plus qu’un musée, c’est un lieu vivant qui se consacre, à travers des travaux de recherche et des expositions, à un travail constant d’historien pour expliquer et comprendre, et aussi transmettre un message de paix aux générations futures.

Le Centre de mémoire restitue de manière très fouillée le récit du massacre survenu quatre jours après le débarquement allié en Normandie ainsi que les causes loin d’être complètement élucidées.
La division Waffen SS Das Reich entreprit le 8 juin de se positionner dans la région de Tulle et Limoges pour une opération de ratissage contre la résistance. 8500 hommes environ participèrent à cette opération en laissant une « traînée sanglante » sur leur passage, notamment à Tulle, massacres, pillages, incendies. Oradour se trouvait sur le trajet, on n’y connaissait pourtant aucune activité maquisarde.

De l’expansion du nazisme en Europe au procès de Bordeaux, cinq espaces d’exposition permettent de comprendre pourquoi Oradour-sur-Glane, paisible village de la Haute-Vienne, est devenu la proie de la barbarie nazie.
Documents d’archives, témoignages, récits et films apportent des explications sur les événements qui firent d’Oradour, un village martyr.

Pour rejoindre le village martyr, on emprunte un tunnel austère taillé dans le béton façon blockhaus.
Pour suivre une logique d’entrée dans le village, on file à la petite gare du tramway qui assurait, autrefois la liaison entre Limoges et Saint-Junien.
Sur la façade, ne demeurent de la pancarte de la halte que cinq carreaux de faïence formant le mot ORAGE. Symbole ! Usure du temps! …

Oradour était jusqu’alors un bourg tranquille et accueillant fréquenté pendant les week-end par la gente de Limoges. En ce matin du sinistre samedi 10 juin 1944, le premier tramway en provenance de Limoges déversa vers six heures trente de nombreux citadins.
Camille Senon, née le 5 juin 1925 à Oradour-sur-Glane «la survivante du tramway d’Oradour-sur-Glane» raconte :

« Nous sommes restés longtemps à attendre devant Oradour qui brûlait devant nous. C’était comme irréel, nous voyions les flammes sortir du clocher de l’église. Nous entendions des rafales de mitraillettes. Nous avons vu des soldats incendier des fermes qui bordaient le village. Ils lançaient des objets et tout s’embrasait immédiatement, c’étaient des grenades incendiaires ou des plaquettes de phosphore. Les Allemands ont fait descendre les voyageurs pour Oradour et ont renvoyé le tram en direction de Limoges. Nous étions vingt-deux, dont quatre enfants. Nous avons été conduits à travers champs, après avoir traversé la Glane sur des troncs d’arbre, dans une ferme qui servait de PC aux Allemands. Il était environ 7 heures du soir. Nous ne savions pas encore que tous les habitants avaient été tués. Cela ne coupait pas l’appétit de sept ou huit SS attablés dans la cour, qui se tartinaient de larges tranches de pain avec des rillettes trouvées sur place … Vers 22 heures, un officier est arrivé, visiblement surpris de nous voir en vie. Il nous a demandé nos papiers, qu’il n’a même pas regardés. Pourquoi nous a-t-il laissé repartir, je l’ignore … »

Camille Sénon perdit ce jour-là son père, son grand-père, son oncle et sa tante, de nombreux cousins. Sa mère, en visite chez sa sœur, à quinze kilomètres de là, n’ayant pu traverser Oradour déjà en flammes lorsqu’elle voulut rentrer le soir au Repaire, échappa au massacre.

En face de la gare du tram, se trouve, accolée à la mairie, l’école des garçons. Elle comptait 64 élèves.
Oradour possédait alors quatre écoles :
– L’ecole des garçons
– L’ecole des filles avec 106 écolières réparties en trois classes
– L’ecole enfantine
– et plus étonnamment l’ecole des Lorrains.
En effet, avec la déroute de l’armée française, notre frontière à l’Est de 1871 fut rétablie dès juillet 1940 avec l’annexion de l’Alsace et la Lorraine par les Allemands.
L’École de la IIIe République marchant désormais au rythme des bottes allemandes, ce sont des milliers de Mosellans qui prirent le chemin de l’exil. Beaucoup, réfugiés ou expulsés, se retrouvèrent donc en Haute-Vienne, à proximité d’Oradour.
Trente-neuf habitants du petit village mosellan de Charly périrent lors du massacre, c’est en leur hommage que, depuis 1950, la commune porte le nom de Charly-Oradour.
Un monument en mémoire des habitants expulsés de Charly et massacrés à Oradour-sur-Glane a été a été construit sur la route de Metz.


Jusqu’à ce jour tragique, une vive activité animait le centre d’Oradour, on comptait trois hôtels-restaurants, cinq cafés donc un était aussi boucherie, trois boucheries, deux boulangeries, trois épiceries, une pâtisserie, deux commerces de vins et spiritueux.
On donnait à réparer sa voiture ou ses engins agricoles aux garages Poutaraud ou Desourteaux et les artisans étaient nombreux un maçon, deux charrons, un forgeron, un sabotier, cinq menuisiers, un plombier, un carrier-puisatier et je découvre même un feuillardier.
Tous ses metiers sont signalés par des plaques apposées sur les pans de murs.


De nombreuses épaves rouillées d’automobiles sont abandonnées dans les cours des maisons ainsi qu’évidemment au garage Desourteaux. 






La poste


Il faut compter environ 1 heure pour arpenter l’intégralité du village (hors musée).

Pour avoir plus d’informations sur Oradour, la fiche Wikipedia est assez complète.

Sur place nous avons fait la connaissance de Pierre Julie deux Belges en vacance à Limoges. Très sympa et eux aussi amoureux des vieilles pierres et vieux villages, ils nous ont proposé de les accompagner à un autre village abandonné avec une drôle d’histoire. Le village de Courbefy a une cinquantaine de kilomètres de Limoges


Voir l’article sur Limoges