Le château et le village ruiné de Corbère de Dalt
Exploration des vestiges de Corbère de Dalt
Au sommet de la colline abrupte, se dresse solitaire le château, vestige majestueux d’un passé glorieux. Jadis fier protecteur, il ne veille désormais que sur des fantômes, des pans de muraille fragiles abandonnés à la nature impérieuse. Les ronces et les chênes verts ont envahi les lieux, dévorant peu à peu les traces d’une vie passée.
Dans les méandres des ruelles désertes de Corbère de Dalt, une cinquantaine de maisons aux façades en cayroux se dressent encore, témoins déchus d’une époque révolue. Leurs ouvertures en plein cintre, autrefois accueillantes, sont désormais murées, leurs placards ouverts dans les murs laissent entrevoir des souvenirs évanouis.
Malgré les assauts du temps, quelques-unes de ces bâtisses conservent une allure altière, leur hauteur imposante défiant la pente abrupte de la colline. Elles s’étagent harmonieusement le long de la rue principale, vestige silencieux d’une communauté disparue.
Pourtant, la nature reprend inexorablement ses droits. Les ronces et la garrigue forment un épais tapis végétal, envahissant chaque recoin laissé vacant. Les arbres, autrefois domestiqués, se sont frayé un chemin à travers les murs de pierre, transformant les anciennes demeures en sanctuaires végétaux.
Il aura suffi d’à peine un siècle pour effacer toute trace de vie dans ce village autrefois prospère. La quiétude retrouvée de la campagne a eu raison de l’attachement des habitants à cette colline austère. Ils ont préféré descendre vers les terres fertiles de la plaine, laissant derrière eux les vestiges désolés de Corbère de Dalt.
Ainsi, dans l’ombre du château solitaire, le village fantôme se fond peu à peu dans le paysage, rappelant aux visiteurs l’éphémère nature de toute civilisation humaine.
Dans les années soixante, le château est acheté et occupé par la famille Thiébaut. Aujourd’hui c’est une propriété privée appartenant à un psychiatre américain.
L’histoire du château et du village.
Quelques dates
- 953 : apparition du nom de « Corbaria »
- 1131 : un certain Bernard Adalbert de Corbara prête serment au comte Gaustred de Roussillon.
- 1241 : première mention du château de Corbère sous la forme de « castrium et forcia de Corbèria »
- 1261 : Pons de Vernet, influent seigneur du Roussillon est possesseur de plusieurs paroisses, entre autre celle de Corbère.
- 1359 : nouvelle mention du château sous la forme de » castell de Corbera »
Mort sans héritier, la couronne d’Alphonse le Magnanime roi d’Aragon est disputée entre Jean II d’Aragon ( frère d’Alphonse) et son propre fils Charles de Viviane. La mort suspecte de Charles en 1461 entraîne en Catalogne, une insurrection contre Jean II.
Bernard d’Oms, seigneur de Corbère est issu d’une puissante famille Roussillonnaise ( son père Charles d’Oms est procureur des comtés de Cerdagne et du Roussillon ) Bernard d’Oms est lui conseiller de Jean II. En échange des revenus des Comtés de Cerdagne et du Roussillon, ce dernier obtient le soutien de Louis XI et des troupes françaises pour lutter contre le soulèvement catalan. Fidèle, Bernard d’Oms conduit ces troupes françaises dans le Roussillon révolté.
Entre 1462 et 1469 il sera successivement fait par Louis XI Sénéchal de Beaucaire, gouverneur du Roussillon et Cerdagne; puis en 1466 Sénéchal de Carcassonne ainsi que conseiller et chambellan du roi le 30 juin 1469.
Mais il comprend que le but du roi de France n’est pas d’aider Jean II mais d’annexer le Roussillon à la France. Avec ses neveux Guillem d’Oms et Pierre d’Ortaffa il prend la tête d’une révolte contre les troupes françaises. En 1472 il chasse les français de Cerdagne et favorise l’entrée triomphante de Jean II dans Perpignan en janvier 1473. Une trêve est signée avec les troupes françaises. Un an plus tard le Roussillon est à nouveau envahi malgré ces accords. Bernard d’Oms est fait prisonnier après la chute d’Elne le 5 décembre 1474. Il sera décapité le 13 décembre à Perpignan.
En hommage, on peut lire son nom gravé sur la margelle du puits du château de Corbère .
Sources: encyclopédie Wikipédia et « Histoire populaire des Catalans » de Jean Villanove.
Prise du château de Corbère en 1653
Nous sommes en décembre 1653. Louis XIV est un jeune roi. Le Roussillon et plus généralement la Catalogne sont, depuis plusieurs années, le théâtre de combats entre Français et Espagnols. Le Marquis de Plessis Bellière, après l’échec du siège de Gérone, intervient dans le Roussillon avec infanterie et cavaliers.
Le 6 décembre il se rend à Rodes, défendu par 150 Espagnols et 300 Miquelets. Après deux jours de combats, il prend la place. Il occupe ensuite le château de Ria. Le 15 décembre le Marquis de Plessis Bellière est à Ille avec le sieur de Bellefons. Le jour même, il envoie le Comte d’Ille à la tête du régiment de Mazencourt et des Suisses déloger les occupants Espagnols du château de Corbère. En un seul assaut, le château est enlevé. Les défenseurs, sans doute peu motivés, se rendent et sont reconduits à Figuères.
Conséquences : le Seigneur de Corbère, Francisco de Ca Cirera i de Llupia, favorable aux Espagnols, se verra confisquer ses biens au profit de Joan Joseph de Pons i de Guimera.
Source : Receuil des gazettes nouvelles ordinaires de l’année 1653. Extrait des Particularités de la prise de Rodes.
Evolution du château et du village de Corbère de Dalt
A l’origine il existait sans doute un donjon. Le début de la construction du château remonterait au XIIeme siècle. La salle d’armes, pièce la plus ancienne de l’édifice date de cette période. C’est à partir de cette époque que la population, au détriment de St Pere del Bosc, s’installe à ses pieds, construisant les habitations contre le mur d’enceinte du château et donne naissance au village de Corbère de Dalt.
Au XIIIeme siècle le château remanié est intégré à une deuxième enceinte entourant le village. En effet, notamment après la signature du traité de Corbeil en 1285, des habitants pouvaient obtenir le droit de construire un rempart qui protégeait leurs maisons des attaques extérieures. Aujourd’hui, on peut distinguer dans la partie nord du village ruiné les vestiges de cette muraille ainsi qu’au sud, les restes d’une tour encore visible.
Au XVIeme siècle le château est à nouveau agrandi et remanié.
A partir du XVIIIeme siècle, pour des raisons pratiques évidentes, quelques familles descendent vers la plaine et construisent leurs habitations au pied de la colline : le Corbère actuel prend naissance.
Le village de Corbère de Dalt sera complètement abandonné qu’à partir du début du XXeme siècle.
A l’époque moderne, le château connaîtra quelques tourments. Il est d’abord abandonné et pillé à la sortie de la 2eme guerre mondiale. Ruiné, il est acheté dans les années 60, par M et Me Thiébaut qui le réhabilitent.
Puis il devient la propriété de la chambre de commerce des P. O. cette acquisition fait l’objet d’un scandale dans les années 90.
Il est finalement, depuis les années 95, acheté par un médecin américain.
Sources: Revue « Terres Catalanes » N°53 – Site » pyreneescatalanes.free.fr «
Nombre de feux et population à Corbère de Dalt
Quelques rares indications chiffrées permettent de penser qu’au moyen-âge, le village fortifié n’excédait pas la centaine d’habitants. A son apogée, avant d’être progressivement abandonné, Corbère de Dalt a du compter une cinquantaine de maisons.
En 1378 : 13 feux qui représentent une soixantaine d’habitants.
En 1553 : 19 feux soit 90 personnes.
En 1725 : 50 feux soit environ 250 personnes.
En 1790 : 210 habitants.
Recensement de 1876 : 137 habitants
Recensement de 1896 : 36 habitants
Recensement de 1921 : 1 habitant
Recensement de 1936 : 49 habitants
Le dernier occupant du village de Corbère de Dalt, dans les années 1950 1960, était une femme surnommée »la Bousague »
Source : Revue d’Ille et d’ailleurs N°12
Source du site : http://patrimoine2corbere.e-monsite.com/